dimanche 17 août 2014

Pitié pour les jeunes filles : correspondance MH/MJ (4)

Un peu plus d'un an s'est passé depuis le dernier mail.


De moi
à MH

le 07/09/2010

Cher Michel,
dès que vous refaites surface dans l'actualité littéraire cela me donne un prétexte pour vous écrire, sinon je préfère ne pas vous embêter, vous répondez aux mails, ce qui est une qualité rare et je ne peux pas en abuser. J'aimerais que vous sachiez que depuis mes treize ans je suis là, profondément heureuse que vous soyez encore vivant et productif. Vous m'inspirez toujours beaucoup de tendresse et de sentiments très forts que je ne peux ressentir que pour des écrivains et des artistes en général. Vous c'est quand même plus spécial, plus intense, je vous ai connu au temps de l'innocence, ou plutôt d'une sorte d'autisme pré-adolescent, et forcément un peu en retard car trop jeune pour lire vos romans à leur sortie. Je ressens pour vous une très grande amitié et beaucoup d'admiration, même dans les périodes où vous ne publiez pas, mes sentiments sont puissants, constants, inaltérables.
Je suis aussi condamnée à vous demander à chaque fois si vous vous souvenez de moi, je vous écris assez rarement depuis mes 14-15 ans (j'avais fait un exposé sur vous), la dernière fois remonte à janvier 2009, j'avais alors 17 ans et j'étais encore lycéenne. J'ai maintenant 19 ans et je suis étudiante en philosophie et en sociologie à Tolbiac. Voilà, en fait j'essaye de vous rappeler qui je suis vaguement pour ne pas que vous pensiez qu'il s'agit de filles différentes au fil des années. C'est toujours moi.
J'ai profondément aimé votre dernier roman que je viens de finir hier, je l'ai lu assez vite. Le monde est assez décourageant et votre dernier roman, tout comme votre oeuvre littéraire, sont profondément libérateurs, consolateurs : on se sent enfin libre de pouvoir ne plus y croire. En lisant la Carte et le territoire on se sent flotter dans une zone neutre, une zone de vide, de douce et sereine indifférence où la vie d'ermite est la seule souhaitable. Au-delà de la cruauté de vos romans, je trouve qu'ils instillent et retrouvent en nous une fraternité et une dignité dans la douleur et aussi une sorte d'intime jouissance pour cette souffrance objective, vitale.
Ce dont vous rendez compte, la façon dont vous le mettez au jour objectivent un certain état du monde que l'on trouve tous infiniment triste sans trop savoir pourquoi, vous clarifiez ce pourquoi, vous nous dressez contre le monde pour de bonnes raisons. Vous adoptez une attitude envers le monde et la vie, à la fois dans vos romans et dans vos interviews, qui est à bien des égards largement enviable et que peu de personnes peuvent se permettre, Denisot avait raison de parler d'élégance, vous êtes très classe. Peut-être vous jalouse-t-on votre autorisation à la nonchalance, notamment comme hier soir chez Denisot. Peu de personnes peuvent se permettre de répondre comme vous à des questions politiques, même pour plaisanter, au mieux on dira "je suis un artiste, je ne fais pas de la politique" mais ça reste mal vu. Vous n'avez pas à vous rendre médiatiquement présentable, vous ne devez rien à personne (vous en parliez sur votre blog, vous n'êtes ni critique ni éditeur). Vous êtes la figure qui, à mon avis, se rapproche le plus de celle du sage ou du dandy baudelairien, si cela a encore un sens de parler comme ça. Hume a écrit de magnifiques pages sur la "délicatesse de passion" dans ses Essais Esthétiques, ce qu'il en dit vous concerne parfaitement, si ça vous intéresse je peux vous en recopier des passages.
J'ai trouvé qu'il y avait davantage de passages sur la mort dans la Carte et le territoire, ce ne sont pas des passages anodins où l'on parle simplement de la mort par souci d'être profond, d'aborder les grands thèmes, vous convoquez des images très fortes et vraiment déprimantes. Votre enterrement m'a profondément émue, je ne voulais pas y être et j'y étais, cela m'a incitée à vous écrire : j'avais peur et je voulais reprendre contact avec vous pour ne plus vous lâcher.
 J'essaye moi-même d'écrire un roman, j'explore modestement des voies parce que c'est le moment. Professionnellement j'ai choisi la philosophie car peu de choses m'intéressent en dehors d'elle si ce n'est la littérature et le cinéma, de plus je ne crois pas vraiment en moi, un peu plus en mon écriture. Je vais essayer d'être professeur de philosophie et de finir ce roman, je vais essayer de beaucoup travailler et si je suis frappée de flemme ou de dépression il faudra me dire qu'en dehors de cette voie-là je n'ai pas vraiment le choix, je ne sais absolument rien faire d'autres si ce n'est écrire. Je ne me fais pas d'illusions, si je ne fais rien, ma vie, ma haine et mes complexes resteront les mêmes. J'aimerais pouvoir me transformer, ne plus me sentir perdue et en souffrance, mais tranquille, utile, et me respecter le plus possible.
Mon roman sera très éloigné de votre style, même si je vous adore je n'écris pas comme vous, mes thèmes ne sont pas les vôtres, du moins je compte vous relire entièrement pour tempérer un peu mes élans d'enthousiasme et de candeur. J'aimerais parler et même m'appesantir sur le quotidien et sur une certaine vie étudiante qui se passe loin des clichés, une vie étudiante assez solitaire mais tout de même joyeuse, je crois que ça manque dans les romans. Il y a beaucoup d'étudiants seuls pour qui la vingtaine n'est l'âge de rien, il faut parler pour eux.
Au niveau du style cela se rapprocherait de Salinger, Virginia Woolf, Denton Welch si vous connaissez, et aussi Truman Capote, idéalement j'aimerais que cela ressemble à un film de Nanni Moretti ou d'Altman. C'est l'histoire d'une étudiante (Maxine) qui, très fatiguée par le monde, décide de s'enfermer chez elle quelques semaines qui donneront deux mois, elle en a simplement marre de voir des connards et de sortir dehors, donc soit elle se cloître soit elle se tue. Son amie, la narratrice, nous raconte des choses sur Maxine et s'ennuie un peu à errer dehors, à sortir le soir. Sur les derniers jours elle rejoindra Maxine, il y a en parallèle une histoire avec un prof de philo. Ce n'est pas très ambitieux, j'ai simplement l'intention d'écrire un roman bien écrit. J'ai une écriture assez précieuse et très psychologique, de petite fille qui a plus lu qu'elle n'a vécu. Ça peut paraître un peu pitoyable aux yeux de certains de dire ça à 19 ans mais on a la vie qu'on a, la mienne se passe dans ma tête, je réfléchis à ce qui m'arrive, et à ce qui ne m'arrive pas, j'inflige donc cela à mes personnages.
Si un jour il m'arrive de finir ce livre je vous l'enverrais. Vous m'avez fait comprendre à quel point pouvait être désirable le métier d'écrivain quand on se sent légèrement inadapté et que l'on veut rester vivant. Je vous dois bien ça, je vous dois beaucoup de choses d'ailleurs, en dehors du malheur diffus de vos romans, votre seule existence en ce monde est un véritable foyer d'espoir et d'amour pour moi et très certainement pour d'autres personnes, je crois vraiment que je vous aime intensément; vous êtes une sorte de revanche. En lisant La carte et le territoire j'avais parfois l'impression de toucher le coeur de votre intelligence et de votre tristesse, je pleurais sobrement à vos côtés. Même si l'on rit beaucoup, votre dernier roman me mettait en contact avec le tragique de l'existence qui a tendance à se perdre dans le mouvement abruti de la vie, de ses préoccupations anodines.
Je pense aussi passer le concours de la FEMIS section scénario, un peu comme vous pour Louis Lumière, même si je me connais assez pour savoir que j'ai trop de haine en moi pour pouvoir travailler en groupe, le scénariste doit bien être un peu seul à un moment. Je me suis découverte une très grande passion pour le cinéma, peut-être un peu comme vous à mon âge. Actuellement je pense le plus grand bien du cinéma, peut-être qu'un jour ça changera. Je suis passionnée par l'âge d'or hollywoodien, j'éprouve mes plus grandes joies lorsque je vais voir les films de cette époque. Le cinéma hollywoodien m'éloigne sainement du réel, à eux seuls les génériques sont des promesses de bonheur et l'offre des cinémas concernant cette période est assez impressionnante à Paris.
Allez-vous encore au cinéma? Qui aimez-vous comme réalisateurs? Je connais beaucoup d'adultes pour qui aller au cinéma et même lire sont des occupations de jeunesse. Maintenant ils ne croient même plus en ça, ils vivent tout simplement, lisent un peu moins et ne vont plus au cinéma, ils regardent un film quand ça se présente, avec des amis. Je crois que c'est à mon âge, vers 20 ans, que l'on peut se permettre d'être cinéphile, après il y a la vie active, les choses chiantes, à mon âge on est relativement tranquille, je n'ai pas besoin de gagner ma vie et je n'ai pas une vie sociale très folle. Assez bizarrement deux réalisateurs me font penser à vous: Billy Wilder et Aki Kaurismaki. Il y a chez Wilder une fantaisie du désespoir très belle, et une solitude des personnages masculins assez impressionnante, pas si malicieuse que ça, ça parle tout le temps de désir chez Wilder et avec une extrême justesse. Personne n'y fait vraiment attention, tout le monde s'en fout, de toute façon qui s'occupe de Wilder à part les vieux critiques de cinéma. Chez Kaurismaki, l'innocence et la bonhomie des personnages essayant de survivre dans un monde profondément méchant ou indifférent me rappellent vos romans. Voilà, je tenais à vous le dire.
J'arrête ici, si je vous raconte ma vie c'est dans l'idée que peut-être vous trouverez ça exotique ou intéressant, mais peut-être que vous sautez quelques lignes en me lisant. Si vous pouviez me donner des conseils concernant mon roman, ça me ferait plaisir, La carte et le territoire en délivre bien quelques uns : vous parlez d'un noyau de nécessité qui amène l'écrivain à se mettre au travail, ça m'aide beaucoup.
J'ai trouvé votre "plan médias" sur internet, vous avez un programme chargé et assez intimidant, je me dis que ce mail est un peu hors sujet, presque ridicule, j'oublie trop souvent votre rayonnement médiatique qui s'accroît de livre en livre. Quand je vous vois à la télé je vous sens tellement inaccessible que l'idée de vous envoyer un mail me semble être une folie inconsciente, ce n'est peut-être pas le moment de vous écrire. D'un autre côté je ne pense pas que vous ressentiez vraiment une sorte d'ivresse de la gloire et des éloges, vous trouvez ça peut-être malsain, plaisant sans être euphorisant, vous êtes bien trop intelligent pour ça, alors peut-être que ce mail vous fera plaisir par son seul décalage.
J'espère tout de même que vous allez bien, que vous êtes heureux, du moins stimulé par cette période de promotion et par votre magnifique roman. Ne pensez pas trop aux polémiques bidons, ne vous faites pas trop de soucis concernant ce qui n'est rien comparé à votre talent, votre humour, votre tristesse et votre douceur. Vous n'êtes encore vicié par rien, vous êtes quelqu'un d'unique, vos lecteurs sont nombreux et vous aiment. Je vous écouterai samedi chez Finkielkraut, c'est une bonne idée de passer chez lui. Comptez sur moi pour suivre tous vos passages radio et télé, c'est avec plaisir que je vous regarde, vous avez un charmant visage.
Je vous embrasse bien fort,
Murielle
PS : quand le calme reviendra, peut-être que ce serait bien pour vous de relancer un blog, c'était très agréable à lire, peut-être aussi à écrire, je ne sais pas. Cela vous permettra de rester en contact avec ceux qui vous aiment depuis le début.

De MH

à moi
le 14/09/2010


Chère Murielle,
Je n'ai pas le temps de vous répondre, mais je suis content que vous ayez appelé votre e-mail "petit Français", c'est une chose que j'aime bien dans ce livre.
Peut-être vaudrait-il mieux qu'on se rencontre un jour.
Je vous embrasse,
Michel.

De moi
à MH
le 14/09/2010


Cher Michel,

je suis contente que vous ayez pris le temps de me répondre, même brièvement, je me disais: sa boîte mail doit être saturée, ce n'est pas la peine d'attendre. Donc merci, j'ai eu comme une surprise.

En ce moment j'écris un texte à propos de vous, en fait, c'est assez ridicule mais j'ai essayé de vous offrir des fleurs lors de votre passage à Paris et ça a totalement foiré. Depuis j'essaye d'écrire un texte marrant sur cette mésaventure, je ne sais pas encore où je le publierai.

Sinon je voulais vous dire que l'interview accordée au Ring est vraiment admirable et très émouvante. Tout le monde sait qu'en marge de vos romans votre point de vue sur bon nombre de sujets est précieux, c'était l'occasion de vous écouter longuement.
Quant à Elkabbach, autant il a été bien avec vous sur Europe 1 autant sur Public Sénat il s'est comporté comme un connard. C'est dommage que vous ne sachiez pas vous fâcher, enfin c'est très bien aussi, je suis pareille. Vous n'êtes peut-être pas à un détail près quand on parle de votre vie privée, mais je commence à le prendre très mal, on ne vous respecte pas comme on le devrait. Il n'y a bien que sur le Ring que vous étiez à l'aise, même très à l'aise, parce que justement vous aviez devant vous des gens qui vous respectaient énormément, alors qu'on vous sent absent dans les autres émissions, vous sentiez peut-être que ça n'irait pas très loin au niveau des questions.

Vous rencontrer serait pour moi une grande joie, et une grande panique aussi, je peux être très timide. Quoi qu'il en soit vous avez mon mail, faites moi signe à l'occasion.

Bien à vous,
Murielle

PS : concernant le "petit français", l'usage que vous en fait dans votre roman est assez surprenant, c'est beaucoup de tendresse concentrée dans une expression et ça en dit beaucoup sur Olga. Je sentais que c'était pour vous un véritable plaisir d'en user, ça sautait aux yeux. Et puis ça vous va bien.


de MH
à moi
le 17/09/2010


Chère Murielle,

Je ne me fâche que très rarement, en effet (je crois que j'en parle dans l'entretien avec le Ring), et c'est vrai que c'est plus sain de se fâcher.

Il vaudrait mieux que j'aie votre numéro de téléphone, pour quand je serai à Paris et que j'aurai du temps.

Bien à vous,

Michel.

de moi
à MH
le 17/09/2010


Cher Michel,

Voici mon numéro : xxxx
Une précision : j'ai un peu de mal avec le téléphone mais je suis très texto, enfin bien sûr ça ne change rien à l'affaire, je répondrai quand même.

Je vous embrasse,
Murielle

de moi
à MH
le 09/11/2010


Cher Michel, 

je tenais à vous féliciter pour votre prix Goncourt. Vous savez que pour vos lecteurs c'est un évènement qui ne nous concerne et ne nous surprend pas, nous connaissons depuis déjà longtemps votre valeur autant que celle de votre oeuvre. Quelles que soient les récompenses ou les critiques nous vous avons promis fidélité ainsi qu'une certaine forme d'amour inconditionnel. Toutefois nous vous connaissons assez bien pour savoir que ce prix est une sorte de petite réconciliation avec le monde, que cela vous rend heureux et vous libère de certaines pressions et bavardages indignes de vous; ce prix promet aussi quelques nuits blanches à vos détracteurs.
 Je ne vous souhaite qu'une chose, c'est que les gens qui vous liront pour la première fois grâce à ce Goncourt vous lisent bien, avec intérêt et attention comme j'ai pu le faire la première fois, il n'y a que ça qui compte. Je me dois d'être brève car vous avez encore l'attention et la fascination braquées sur vous. Vous méritez tout ce qui vous arrive de bon, profitez-en sans arrière-pensées, j'espère que vous allez bien.

Je vous embrasse,
Murielle

de MH
à moi
le 13/11/2010


Chère Murielle,

Ce serait vraiment dommage que nous nous rencontrions à un moment où j'ai peu de temps, peu d'attention, et finalement surtout envie de dormir.
Donc, je maintiens fėvrier.
Et je vous embrasse,
Michel.

de moi
à MH
le 13/11/2010

Je ne tenais pas à avancer notre rendez-vous, février me va très bien aussi, j'ai d'ailleurs déjà pu vérifier votre fatigue sur la vidéo du Ring: loin de moi l'idée de vous réclamer quoique ce soit en cette période mouvementée. Je sais que les médias n'ont pas le monopole de l'intelligence et de la prévenance mais il est temps de vous laisser tranquille, on vous pose trop de questions.
Votre interview sur France Inter était quand même très bien mais je me révolte à chaque fois que je lis ce que xxxx, qui doit être votre amie, ose écrire sur vous. Elle gagnerait à se taire concernant vos dîners mondains, je trouve ça vulgaire et incroyablement obscène, elle semble intérioriser un regard voyeuriste qu'elle pense que vos lecteurs possèdent. L'insoutenable médiocrité de ses articles me déplaît et me fait réellement souffrir, je déteste cette image qu'elle renvoie de vous, cela contribue à vous rendre lointain. Par ailleurs j'ai toujours trouvé que c'était une très mauvaise journaliste, trop egocentrée pour être crédible.  Je ne devrais de toute façon ne pas tenir autant à lire tout ce qui se dit sur vous, cela a tendance à me perturber, en tant que lectrice j'ai depuis longtemps ma propre image de vous, je dois la préserver. Je trouve quand même que vous n'êtes pas assez sévère avec ce que les gens se permettent à votre égard, mais je comprends très bien, votre gentillesse témoigne du fait que vous êtes un peu au-dessus de tout ça.

Je vous embrasse,
Murielle

PS : Vous trouverez ci-joint un poème que j'ai écrit, prenez-le comme une élève qui vous envoie un devoir, lisez le maintenant ou dans trois mois, prenez votre temps.

LE COEUR DU SAMEDI SOIR
Avec quelques amis, nous faisons un détour
Serrés dans des écharpes qu’on nous a tricotées
Il m’a dit « les écharpes c’est un geste d’amour »
Je comprends cette envie de vouloir protéger

Son visage d’agneau me rappelle d’anciens jours
Nous sommes en 2010, il faut manifester
Vertige des rencontres, vertige de son retour
Ma tristesse se rapproche de la sérénité

Nous baignons dans la nuit, une nuit américaine
Et nos pensées sont pour l’un l’autre bien opaques
Vouloir les deviner, est une tentative vaine
Je peux penser à lui, à la mort de 2pac

« Est-ce que tu penses que l’homme est fait pour le bonheur? »
Emile me dit que non, « mais il doit le chercher »
Ce garçon de quinze ans, le frère de ma soeur
Est très intelligent, et mérite d’exister

Les visages rejettent parfaitement la lumière
D’une ville dont on pense qu’elle est trop éclairée
Son front poudré d’orange sous quelques réverbères
Marchant, fixant le sol à côté de nos pieds

Le samedi, cette promesse que je trouve bien vide
La joie y est diffuse et vraiment sans raison
Mais c’est cette liberté qui les rend tous avides
D’alcool et de tendresse, approcher la passion

Je paierai assez cher pour deux ou trois visages
Ce sera ma collection, je veux les posséder
Baiser doucement leur front, leur dire « soyez bien sages »
Ils sont comme des chansons, me rappellent au passé

C’est peut-être ça qui gêne, une fois qu'on se sépare
Cette personne qui très vite ne pense plus à vous
Si le visage restait, il n’y aurait plus de cauchemars
Mais il part comme le reste, nous gardons le dégoût

Je progresse dans la nuit, je suis bien entourée
Tout est très clair pour moi: nous devons vivre seuls
C’est une chose à laquelle on ne peut s’habituer
Souvent j’ai très envie de bien fermer ma gueule

Cette nuit est magnifique, elle me perce le coeur
Sa répétition n’altère en rien sa bouleversante magie
Tout est dans les contrastes, entre fête et douleur
Je suis entre les deux : joyeuse/anéantie

Nous sommes bien à Paris, il n’y a rien à craindre
On peut sympathiser, danser, rentrer dormir
Faire de nouvelles rencontres, qui oserait se plaindre?
De ces douces actions cachant l’envie de mourir

Ce soir tu veux atteindre le coeur du samedi soir
Cette zone un peu obscure, qu'on appelle "bar loundge"
Ces endroits attirants, recouverts de miroirs
Ma faiblesse te dégoûte, il faut que tu t'allonges

Je t'évoque une vie que tu ne trouves pas souhaitable
Je ne connais que le calme, mes tympans sont fragiles
J'aime beaucoup parler, assise autour d'une table
On nous ramène les plats, le serveur est agile

Et si on allait manger au restaurant chinois?
Arrêtons-nous d’abord, laissons parler nos coeurs
« Nous nous sommes fait du mal, mais je t’aime plus que moi »
C’est bien, dans ces plats-là, il n'y a jamais de beurre.

De MH
à moi
le 13/11/2010


Chère Murielle,

C'est moi qui avais envie d'avancer notre rendez-vous, mais peut-être est-ce que je vous ne l'avais pas dit. Je suis sûr d'avoir composé votre numéro ces deniers temps, mais peut-être n'ai-je pas laissė de message.
Ne soyez pas sévère avec xxxx. Son interview de moi avait été vu comme celui d'une femme amoureuse, elle devait se douter qu'on se moquerait d'elle pour ça, c'est courageux de sa part de l'avoir fait.
Et là c'est le compte-rendu d'une femme amoureuse et un peu jalouse. Maria-Olga aussi est courageuse, elle est venue de Moscou avant que le rėsultat soit connu, avant moi même.
Le courage d'être impudique, de s'afficher, j'admire ça chez les femmes. Ça peut être obscène, mais sûrement pas vulgaire. Par contre, je suis heureux que vous me protégiez contre celle qui parle de mes chemises surlering. Elle, elle n'est pas dans l'amour.

Je vous embrasse,
Michel.

de moi
à MH
le 13/11/2010


Je n'étais en effet pas au courant que vous désiriez avancer le rendez-vous et je n'ai pas eu de messages de vous. On a en a déjà parlé mais n'hésitez pas à laisser des textos, même en février, je suis beaucoup plus réceptive à cela et je réponds immédiatement.

Bien sûr si vous me dites ça à propos de xxxx, ça va un peu mieux. Le truc c'est que cela va dans le sens de tout ce que les Inrocks publient sur leur site et qui est assez minable, je la juge en tant que journaliste et en tant que journaliste cela vaut zéro, malgré les excuses. Je suis très exigeante envers les journalistes, la plupart du temps ce qu'ils font m'inspire de la haine,  ils ont une influence énorme sur leurs lecteurs, même sur internet, ils ne se rendent pas assez compte.
Prenons la manière dont ils vous traitent, les gens ont une opinion de vous biaisée parce que fondée sur des articles plutôt que sur votre littérature, on vous voit chez Denisot et on pense que ça suffit, peut-être qu'on s'en fiche, mais peut-être que c'est important. Donc lire un tel papier qui ne peut que susciter l'amertume chez vos lecteurs, je trouve ça plutôt triste.
 Je ne vous demande pas d'être critique envers ce qu'elle écrit, vous êtes plongé dedans et cela doit être beaucoup de plaisir et de volupté ces attentions, ces articles, ce petit monde, ces femmes qui vous aiment sincèrement, je n'en doute pas une seule seconde. Mais pourquoi parle-t-elle de Maria? Personne n'était au courant et voilà qu'elle livre tout, je trouve cela fatigant. D'accord pour l'admirable impudeur des femmes, j'en fais partie, mais il faut savoir être adulte, ne pas se dégoûter soi-même, ne pas se livrer coûte que coûte, il faut être élégant dans ses actions, faire fonctionner le surmoi malgré la jalousie et la vanité. Tout cela manque de moralité, cela me déprime.
J'arrive évidemment à deviner sa grande admiration pour vous et le plaisir qu'il peut y avoir à montrer aux autres qu'on est l'intime de Michel Houellebecq.Vous attirez les gens vers vous pour plusieurs bonnes et mauvaises raisons, je peux le comprendre, j'en fais partie, je gravite autour de vous depuis très longtemps. Bon mais je ne veux pas en parler plus longtemps, vous allez finir par croire que je suis hystérique, je reste lucide: je sais que tout cela est anodin.

Quant à Sur le ring, je ne supporte pas qu'on parle de vous comme cela, je savais que vous alliez lire les commentaires et ça me rendait triste de savoir que vous tomberiez sur une telle connerie. Je vous défendrai à chaque fois que l'occasion se présentera, comptez sur moi. J'ai voulu laisser un commentaire sur les Inrocks mais ça ne marche pas, d'où mon mail de tout à l'heure.
J'ai en ce moment et assez souvent de longues discussions sur vous avec mes amis étudiants, c'est assez passionnant, on touche des choses profondes, je vous retrouve dans votre dimension théorique, et j'arrive à les convaincre de ma vision des choses. Ils n'arrivent pas à voir la cohérence entre votre oeuvre et votre propension à accepter le Goncourt et à jouer le jeu du battage médiatique, je leur explique tout car je vous comprends assez souvent.

Bonne nuit,
Murielle
De MH 
à moi
le 19/11/2010

Murielle,

Sur les médias, les prix, et ainsi de suite...
Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que, si l'on est seul au moment où l'on écrit un livre, on ne l'est pas du tout au moment où on le publie. Il est plus amical à l'égard de l'éditeur, l'attachée de presse, etc, de jouer le jeu dans une certaine mesure. Tout en sachant qu'à long terme ça n'a aucune importance, dans un sens comme dans l'autre.

Je vous embrasse,
Michel.

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