mardi 27 mai 2008

la dernière chose qui me reliait encore à mon père a disparu ce lundi matin.
en temps normal mon père m'accompagnait au lycée en voiture mais son entreprise a encore déménagé. avant elle se situait juste à côté de chez nous, une aubaine pour lui sauf que nous n'habitions pas encore ici, ensuite ils ont bougé à nanterre et maintenant à cergy. au lieu de me réveiller à 7 heures je me lève donc à 6 heures 40. Fini les pains au lait, l'ascenseur que je bloquais en attendant qu'il jette les poubelles, la musique de merde dans la voiture et qui m'a toujours beaucoup trop irritée. j'ai maintenant enfin droit au silence et à la tranquilité auxquels j'aspirais, la douche et le petit-déjeuner seule, la marche seule jusqu'au bus. je m'asseois et je lis, ça m'arrive de sentir la mauvaise haleine de mon voisin alors je retiens ma respiration, et quand le bus est bondé je me lève. je prends le métro, je marche derrière des lycéens de mon lycée, je regarde leur sac et leurs vêtements, j'arrive au lycée un peu plus tard que d'habitude.
après mes soirées seule dans ma chambre mes matinées suivent enfin le même chemin. je ne sais pas quoi en penser, ça fait quelques jours que ma mère s'inquiète de ça, il y a eu des conflits et des engueulades parce que je ne restais jamais en famille, que je dinais toute seule, que je ne lui parlais pas. ça fait très longtemps que les choses sont comme ça mais elle ne le voit que maintenant. elle me demande si je vais bien en ce moment, si je me suis fâchée avec quelqu'un, si ça va au lycée, elle me demande ce que je veux manger, elle me ramène de la nourriture dans ma chambre, me dit que je mange pas le midi, que je mange pas équilibré, elle le dit gentiment, elle sait comment je peux être désagréable.

elle m'a même dit si j'avais reparlé à Baptiste parce qu'elle avait cru le voir devant la résidence il y a deux semaines, je lui ai demandé si elle en était sûre, elle m'a répondu "à 80%" elle ne l'a jamais vu mais l'a reconnu aux quelques photos que j'ai pu lui montrer, je lui ai demandé sans convictions s'il était grand, s'il était très brun, pourquoi elle ne me l'avait pas dit plus tôt. je pense que ce n'est pas lui, moi je l'ai déjà cherché dans des rues à Paris mais lui je ne pense pas.

dimanche 25 mai 2008

II
appuyée contre un mur aussi immobile qu'une échelle, je regarde les gens sortirent, certains arrivent à pousser la lourde porte et d'autres ont besoin d'aide, aide que je leur donne.
un homme entre, c'est R.T, il porte une veste en cuir et je l'observe en sirotant lentement mon coca light, je me souviens de lui, on était allé ensemble au café parce qu'il avait faim et voulait que quelqu'un l'accompagne, il avait mangé des tartines beurrées et moi j'avais pris de l'eau, j'avais un peu mal compris ce que le garçon de café me proposait, j'étais toute confuse, je m'en souviens encore.
Dans un face à face il m'avait alors dit qu'il me lisait, il m'avait comparé à deux écrivains, une que je ne connaissais pas et l'autre qui était héléna villovitch, il m'avait aussi parlé avec l'enthousiasme d'un gamin des boots en python qu'il portait et qu'il avait eu pour trois fois rien. je devais être bizarre et apeurée par cette soudaine proximité, à l'époque je vivais ma pré-adolescence un peu n'importe comment et dans une extrême solitude qui ne me dérangeait pas, je ne savais pas encore comment user du monde et de la vie. l'amour, l'amitié, les soirées, je n'en avais pas le mode d'emploi, ma vie était un terrain en friche où les choses poussaient anarchiquement, sans modèle, sans exemple.
Si à l'époque j'avais été un peu plus vieille j'aurai pu répondre à ces questions avec un peu plus de talent, mais voilà, j'ai provoqué un peu trop tôt certaines occasions dans ma vie, et je pense qu'étant donné mon âge il avait dû tout me pardonner, enfin j'espère. Aujourd'hui il était là, représentant d'un temps révolu, n'ayant pas vieilli, toujours le même, brun aux yeux bleus, et la petite barbe. j'imagine qu'à partir d'un certain âge on arrête les transformations, on est enfin physiquement soi-même pour de bon et jusqu'à la fin.
il n'arrive pas à ouvrir la porte, je lui dis "il faut pousser", il me remercie sans me regarder tandis que je continue de siroter.

L.R m'appelle au moment où j'allais m'en aller, il me demande si je suis partie, je lui dis que je suis à l'intérieur, je crois lui avoir signifié que je m'emmerdais, il me dit qu'il est dehors devant l'entrée, je lui dis que j'arrive. je marche en enfilant mon gilet.
j'y vais sans appréhension, la soirée a calmé mes hardeurs et mes excitations, j'ai passé plus d'une heure totalement silencieuse au milieu du bruit. Je pense pouvoir dire que j'étais vraiment contente de le voir, il annonçait un tournant dans la soirée. Il portait une moustache et des petites lunettes de soleil carrées comme un mec des Byrds mais je sais plus lequel.
je lui fais la bise et il me présente à l'homme avec qui il parle, il est dans les 23h20 et disons que je dois être partie pour 23h50.

je pense diverses choses de L.R, la première fois que je l'ai vu c'était encore dans les locaux de Technikart, il était calme, parlait lentement et passait devant moi sans me remarquer, c'était un homme pressé qui m'avait laissé mille impressions dans la tête, je sentais qu'une personne comme lui n'allait jamais avoir de temps pour moi, c'était un peu complexant et déprimant, j'étais jeune et j'avais et j'ai encore besoin d'énormément d'attention, qu'on s'intéresse à moi.
Quelque chose, j'ignore quoi, ma naïveté ou le courage aveugle dont je faisais preuve avant et qui me faisait faire n'importe quoi, des lettres d'amour à l'étalage de ma vie privée sur mon blog, a fait que je lui ai écrit un mail pour lui proposer de m'accompagner à la black session des CYHSY, souvent alors mon inconscience se voyait récompenser. il a donc accepté et je nous revois, c'était un lundi soir, un noir soir d'hiver, dans le hall de Radio France, j'avais un manteau H&M d'un beau bleu avec le col plein de fourrure, je repense à ce manteau que je possède encore et j'ai soudainement très envie de le remettre. à l'époque mon style était encore un peu maladroit et j'essayais de tout donner et de tout montrer en une seule tenue.
Reste que je n'ai jamais pu comprendre ce qui l'avait poussé à accepter mon invitation et à plusieurs reprises je l'ai soupçonné d'une trop grande ouverture d'esprit qui m'effrayait et qui me laissait croire qu'elle était valable avec tout le monde et que je n'y étais pour rien. j'ai beaucoup pensé et beaucoup réfléchi à lui, à ce qu'il fait et laisse paraître de sa vie, au calme qui caractérise chacun de ses actes, à mon incapacité à ne pouvoir ni le cerner ni le classer, j'aimerais savoir ce qu'il pense de lui-même et des autres.
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j'ai remarqué avec étonnement comment la présence d'une personne pouvait faire la différence et comment avec L.R près de moi je me retrouvais à parler aux gens que j'observais attentivement tout à l'heure. c'était une autre facette de la soirée, la facette post-coca light où je me retrouvais à parler avec thierry théolier qui me pose des questions, à écouter L.R me parler de choses qui correspondait à quelques phrases sur mon blog, des choses que j'écris avec la molle ambition d'être lue, il en parlait très briévement mais avec une précision qui traduisait une lecture attentive, cela dépassait complétement ma capacité à pouvoir imaginer ma place dans la vie des autres que finalement je minimise un peu trop. j'essayais aussi de minimiser l'impact de cette nouvelle sur mon amour-propre, je tentais tant bien que mal de ne pas succomber à cet enthousiasme bête et méchant que je critique souvent ici mais disons qu'à ce moment-là j'en avais envie et besoin et tout mon corps n'était plus que sourire éclatant.
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des gens apparaissent et disparaissent dans ce qui constitue notre petit cercle de discussion. les gens ici sont tous comme ça, positionnés en anneaux de discussion qu'il faut tout de suite refermer avec un nouvel arrivant. Apparait Ph.N., comme d'habitude les présentations, et en trois phrases je lui fais se souvenir de moi. il a ses cheveux longs, bouclés et plaqués en arrière, le sourire légèrement ironique, il fume avec ses petits doigts et l'immense parka de la dernière fois à fait place à une petite veste beige sur un polo bleu marine. la discussion porte sur l'article sur julien doré, des quelques trucs écrits pour leur site et si j'ai fait des choses après, Ph.N. me prenait pour une freelance qui galère alors que mon statut est beaucoup moins glamour. je reste quelques minutes seule avec lui, dans le silence ou dans la discussion, il m'explique comment il voit les gens comme julien doré, qu'il s'imagine faire ses courses au Monoprix et qu'il préfère entendre julien doré plutôt que céline dion, que c'est la nouvelle variété. je lui dis "tu veux peut-être entrer dans le bar" et il me dit "oui je vais rentrer, je finis juste ma cigarette", je suis contente qu'il reste dehors, on continue de parler.

mon temps devient compté, je m'avance vers L.R pour lui dire au revoir, des amis essayent de lui vendre leur revue "Bordel" que je feuillette un peu, il leurs dit qu'il ne lit plus en français depuis très longtemps. je lui demande ce qu'il lit en ce moment, il me répond "Muriel Spark", je lui demande comment il a fait pour parler aussi bien français, j'essaye de le cerner, vous voyez bien , il me répond "en travaillant" et ajoute "puis mon père est français", ma question me paraît alors ridicule. je jette un coup d'oeil à Ph.N. qui me regarde appuyé contre une voiture, la cigarette entre les doigts puis entre les lèvres.

"au revoir laurence, à bientôt, on se reverra"
"bah ouais, au prochain concert d'Alister"
"voilà, bonne soirée"
"j'y vais philippe", je lui fais la bise,
"d'accord, rentre bien",
je pars à contrecoeur, laissant une soirée de plus se faire sans moi.

dans l'interminable métro du retour je pense à l'élégance flegmatique de L.R. et de Ph.N., à cette tranquilité vers laquelle je tends et qui remplacerait ce tempérament sanguin et hypersensible qui dans certaines situations peut se révéler invivable.
un mec en trench et en Nike s'asseoit et sort un livre, j'arrive à en discerner le titre "Portnoy et son complexe" de Philip Roth, j'étais à deux doigts de m'asseoir à côté de lui et de lui en parler, c'était une nuit fédératrice où j'avais le coeur à me permettre n'importe quoi, encore ce courage inconscient qui ne mesure pas les risques, mais il est descendu.

J'ai mis longtemps à rentrer chez moi, dans la rue je m'arrêtais parfois devant des miroirs où je pouvais me voir presque entièrement, je me rendais alors compte de la place que pouvait prendre mon corps dans la ville, ce que j'étais quand on me croisait.
dans l'ascenseur j'ai enlevé mes chaussures pour ne pas faire de bruit en rentrant, j'ai nettoyé ma peau, coiffé mes cheveux pour réduire les dégâts du lendemain matin, je ne me souviens pas avoir mangé quelque chose mais je sais que je n'ai pas tout de suite dormi, à cause de l'excitation et du devoir d'écriture, cette nécessité d'écrire autant que de vivre, d'équilibrer sans cesse la balance, de ne pas prendre de retard. Ma prof de français nous parle des insuffisances de la mémoire au moment d'écrire son autobiographie, je pense avoir réussi à y remédier en écrivant au jour le jour.
Je m'endors vers les 3 heures du matin, c'était donc la vie et ses surprises "rarement mauvaises". Demain est malheureusement un autre jour.

vendredi 23 mai 2008

I
"Non. Dedans, sans heure fixe. Il faut affronter la vie, ses surprises sont rarement mauvaises."

Les sms devraient tous être comme celui-ci, proches de l'aphorisme.
j'ai reçu ce sms de L.R. au moment où je lui disais que je l'attendrai à partir de 22h devant les Disquaires pour assister au concert piano-voix d'Alister.
Tout a commencé quelques jours plus tôt, je cherchais quelqu'un sur myspace pour venir avec moi voir Crystal Castles, justement il comptait y aller et puis finalement ni lui ni moi n'y sommes allés, la grève des transports, le billet à 22 euros et mes acouphènes, tout ça méritait que j'en sois dissuadée.
hier soir j'étais donc toute seule dans Bastille, appuyée à ce qui devait être une Clio blanche, à attendre silencieusement un homme que je n'ai pas vu depuis environ un an et demi, deux ans mais dont je lis les articles tous les mois, de ces relations indéfinissables que je finis par accumuler, un enfant mort-né de l'amitié, une douce sympathie qui se renouvelle une fois par an de manière imprévisible.
malgré son sms je l'attends dehors, les mains jointes, rien d'autre à faire que de vérifier le ciel et le look des gens qui fument. je n'ose pas rentrer, je n'ai jamais été à l'aise toute seule dans la rue, encore moins dans les bars, je sens le regard des autres peser atrocement sur moi, ma solitude semble alors suspecte, mes mains inoccupées également, reste à trouver un moyen de se donner de la consistance, avant je triturais mon téléphone portable maintenant j'ai appris à m'ennuyer devant les autres sans en avoir honte.

Sur le trajet qui menait aux disquaires j'ai croisé deux fois de suite Alister, je l'ai reconnu tout de suite, habillé tout de noir, les cheveux longs, fins, lisses mais pas raides, la barbe, les stan smith neuves, beau comme un enfant, ce mec ne peut être que gentil, pourquoi pas innocent. la première fois il marchait les mains vides, la deuxième fois il avait du Quick dans les bras et mordait dans un hamburger, moi-même je me promenais dans Bastille, c'était une manière de tuer le temps en attendant 22h et de voir un peu comment était foutu ce quartier, je pensais à des choses, notamment à ce sentiment d'un monde qui se faisait sans moi quand je voyais les gens sur les terrasses des cafés, discutant, buvant, fumant, posant un regard distrait sur la passante que je représentais ou n'en posant pas. je me suis dit alors que quand je suis accompagnée je ne pense pas à ça, une personne marchant à côté de moi et m'adressant la parole suffit à m'ôter ce sentiment et je ne regarde pas les gens autour, je suis comme eux et je ne souffre pas.
la journée a été terrible, harassante à en chialer, j'avais dû dormir cinq heures et ça ne pourra jamais suffire pour une journée de cours qui a tendance à vous sucer tout semblant d'énergie dès huit heures. mon père m'avait déposé devant le lycée et je m'étais rendue compte que j'avais oublié mes lunettes de vue, bon prétexte pour retourner chez moi et tuer l'heure d'svt. sur le chemin qui menait au métro j'avais croisé plein de filles de ma classe qui s'étonnaient de me voir marcher dans la direction opposée à la leur, on a le droit de prendre cette direction qu'à 16h, qu'à la fin des cours, normalement.
le
mal de tête pointe le bout de son nez, je tente de me concentrer sur kafka car regarder trop loin me déchire le crâne. chez moi j'ai le sentiment d'avoir fait le trajet toute seule et que ce n'était pas déplaisant, qu'on pouvait échapper au monde avec un simple livre. à midi nous avions trois heures qu'on allait consacrer à la recherche d'un cadeau pour notre amie Anaïs, on est allé chez h&m, pestant sur tout ce qui n'était pas notre style, les filles avaient mangées sur des marches vers l'esplanade, à midi cet endroit devient le lieu de toutes les curiosités, un choc visuel ou des petits hommes d'affaires mangent leur mcdo pas loin de nous, le pantalon qui remonte du fait de leur position assise, cette vision pleine d'une solitude moderne me marque toujours autant, je les regarde de dos sans jamais croiser leur visage.
anaïs adore hello kitty alors je lui ai acheté une chemise de nuit hello kitty, j'ai aussi acheté une casquette bleu marine que j'avais repéré il y a bien longtemps, il en restait une depuis des mois, je crois qu'elle m'attendait, elle n'avait ni prix ni étiquette, j'aurai pu la voler. j'enfonce un peu n'importe comment mes cheveux dedans et je relève la visière, ça me donne un côté mignon que cécilia aime bien.

une fois chez moi j'essayais de ne pas trop penser au concert que j'allais rater ce soir, j'avais envie de manger de la glace au chocolat picard et de dormir jusqu'au lendemain. le problème était que l'ambiance était particulièrement irrespirable à la maison et que je ne me voyais pas passer une soirée ici même endormie alors j'avais décidé d'aller voir l'exposition louise bourgeois à beaubourg et l'idée de continuer la soirée comme laurence voulait la continuer, c'est à dire aux disquaires était trop tentante. je lui ai écrit un sms, ensuite j'ai raté son coup de téléphone et il m'a laissé un message sur mon répondeur : il n'allait pas voir crystal castles mais serait aux disquaires vers les 22h20, sa façon de parler n'avait pas changé, et puis pourquoi aurait-elle changé.
j'ai mangé du caviar d'aubergine, de la tarte à la feta, de la glace au chocolat et du coca light en écoutant "carrefour de l'odéon", l'émission de musique classique sur France Inter, après je me suis préparée.
mon épiderme est abominable, le manque de sommeil y est écrit en toutes lettres sur mon front, j'ai des tâches bleues sous les yeux, vraiment des tâches, et les pores dilatés, et le retour de l'eczéma. je limite les dégâts, je connais les gestes qui sauvent à moitié, avant je me surprenais à ne pas me trouver belle, maintenant je sais que je ne peux pas beaucoup en demander à mon physique, j'accepte mes limites.
je descends de chez moi vers les 20h en même temps que mon père qui va au restaurant avec un collègue, il grogne gentiment à cause de ma sortie en semaine et finit par me signaler un bizarre "et ne perds pas ta casquette" que je prends comme un "fais attention à toi".je n'ai pas le temps d'aller à beaubourg, et à une station le métro n'arrive plus à fermer ses portes alors on est obligé de descendre et d'attendre l'autre, on est très serré mais je suis assise, à côté de moi une fille tient un gros livre, le bord de la couverture est rouge, je reconnais alors l'inévitable "consolante" qui a tendance à ne pas me consoler.

ensuite on se retrouve donc à Bastille, là où l'histoire a commencé, on reprend au moment où je suis appuyée contre la Clio, j'écoute deux nanas toutes féminines parler et fumer. je porte une chemise bleu clair, un épais gilet façon caban bleu marine, un jean foncé, mes springcourt blanches et mon sac hervé chapelier bleu marine et vert, je pense à mon obsession du bleu marine. Assez tard, vers les 22h40 je me décide à rentrer dans le bar. je vais aux toilettes, ensuite je commande un coca light, je tends mon billet de 10 euros au petit mec et lui demande une paille, il reprend le verre quand il voit que je bois à même la bouteille et me tend des pièces et un billet que je ne regarde pas, aucune idée de combien coûte ce truc, ce n'est qu'en regardant un peu plus tard les murs du bar que j'ai su que j'avais payé 3 euros 50. je sirote ma bouteille accoudée au bar, frôlant thierry théolier que je reconnais à sa casquette, ses cheveux, sa veste en jean et ses lunettes.je suis un peu plus à l'aise, j'arrive à fixer les gens plus longtemps, je commence à reconnaître de ces visages récurrents qui marquent une soirée, dont on croise à plusieurs reprise le regard, j'ai l'impression d'être restée trop longtemps appuyée à cette Clio.
je circule un peu, j'ai enlevé mon gilet, il y a un mec qui chante accompagné au piano, il précède un autre mec en noeud pap qui chante "ma ville est un café, ma ville est une chanson, ma ville est..." inlassablement tout en jouant de la guitare. un concert très ennuyeux, je détourne mes yeux et regarde la petite foule attentive, je remarque un homme aux cheveux à la Alister mais un peu plus clair, la paire de lunettes carrée, c'est Pierre Mikailoff, une sorte de journaliste rock. Impossible de vous dire ce que ce mec fait de ses journées, je l'ai juste croisé et salué il y a là encore deux ans, c'était une fille qui s'appelle Violaine, une amie de L.R, qui m'avait présenté sous le nom de "vernis rouge" et il semblait me connaître "vernis rouge ah oui", sûrement qu'il mentait, personne ne me connait.après je l'ai vu chez taddéi. je suis très attentive à ce que sortent les éditions Scali et je sais que son dernier livre est une biographie de Taxi Girl. Pour une raison qui m'échappe je n'arrive pas à l'apprécier, je n'aime pas ce qu'il représente, cette connaissance encyclopédique qui me fait défaut et qu'il semble posséder, son trop grand sérieux lors de ses interventions, comme si le rock était une science, le genre de mec a t'expliquer le monde à travers le parcours d'un groupe comme Taxi Girl. j'ai trop tendance à partir d'un mauvais préjugé avec les gens que je ne connais pas et à me laisser convaincre si l'occasion s'en présente, certaines personnes ont au contraire des préjugés favorables avec tout le monde, c'est une sorte de présomption d'innocence, pour eux tout le monde part innocent, pour moi tout est nul jusqu'à preuve du contraire. je dis ça mais en même temps je n'ai jamais eu autant conscience du passé des uns et des autres, quand un adulte se tient devant moi j'ai toujours cette même impression qu'il revient de très loin, qu'il revient d'amours déçus, d'études chaotiques, de gloire et d'échec. je l'observe assez longtemps, lui aussi regarde autour de lui, personne n'est vraiment intéréssé par ce concert, j'imagine que chacun vient juste chercher sa dose quotidienne de légèreté, de "mondanités", y compris moi. les adultes se consolent entre eux. c'est juste impossible de se passer de soirées pareilles, chacun à besoin de se voir un verre à la main, évoluer dans l'obscurité, entre les hommes.

lundi 19 mai 2008

les melons et les pastèques ont peu à peu remplacés les oranges et clémentines, les pastèques sont bonnes, remplies d'eau et rouges comme des boutons d'acnée, c'est le plus beau fruit du monde. les melons sont encore un peu pâles, malades, insipides, facilement recrachables même avec du sucre.

parfois je retrouvais des mouches entre les pages de certains manuels ou alors j'en écrasais une sur l'écran de mon ordinateur, mon fond d'écran représente un ciel alors ça faisait comme-ci elle volait encore et je la laissais là plusieurs jours avant de l'essuyer avec un mouchoir sale. c'était l'insurmontable trop beau temps, celui qui nous oblige à fermer les fenêtres le soir quand il faut allumer les lampes car sinon tout les insectes viennent tourner autour des ampoules et ça nous fait flipper ma soeur et moi. on a trouvé des araignées qui grimpaient comme des princesses sur les murs, on a appelé mon père pour qu'il s'en occupe, incapable qu'on était. c'était l'anarchie, les insectes dans les appartements et les gens dehors. le beau temps et la solitude, je n'ai jamais rien connu de pire, à certains moments j'aurai voulu mourir, à certains moments j'ai dû fermer les stores et oublier les humeurs du ciel, le temps n'a pas le droit de s'imposer à nous, de nous imposer un nouveau style vestimentaire et alimentaire. je me réfugie dans les cinémas, là où ça ressemble le plus à ma chambre, il fait frais et noir, on est tranquille et en paix, on échappe à absolument tout, aux discussions, à soi, aux autres, à la lumière, à la chaleur. l'armure de métal d'Iron Man me rafraîchit, je regarde le film assise à côté d'une inconnue.

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personne n'arrive à dormir sans couverture,
je dors encore avec ma grosse couette, je n'ai pas de drap, j'ai mon lit et je compose avec les éléments que j'ai, un coussin, un traversin, un matelas, une couette, un nounours qui s'appelle george et que je sers dans mes bras faute de mieux. ça arrive que je me lève trempée, écrasée, broyée comme une conne sur le matelas, je ne dors que trois ou quatre heures, je me lève les yeux écarquillés, l'épiderme on peut pas plus dégueulasse, un zombie au soleil, la fatigue et la chaleur, impossible de produire quoique ce soit, une machine à vivre comme ils disent dans "Un monde sans pitié", et rien d'intéressant à vivre, ni amour, ni discussion, ni rencontre, ni apprentissage, il faut juste attendre d'avoir la permission de retourner dans son lit, de dormir quand il ne faut pas.

quand par un heureux hasard on arrive à être en forme, à oublier sa condition physique, il faut en profiter et rattraper le temps perdu : aller au cinéma, s'acheter les cd, traîner dans les boutiques, aller au musée, s'acheter des t-shirts, ranger ses affaires, ses sacs et ses tiroirs, se promener partout comme un PacMan qui doit passer par tous les coins du labyrinthe avant de se faire attraper.
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vendredi je me suis endormie vers 22 heures, le lendemain je suis en cours d'espagnol, je dis à julie qu'on va jouer à un jeu, elle commencera à dessiner quelque chose, n'importe quoi et je continuerai son dessin, une variante du cadavre exquis version dessin. le jeu se déroule bien, nous ferons trois dessins loin d'être décevant, notre répartie graphique est à son comble, la tension monte. La classe parle d'un texte qui ne me concerne pas dans une langue un peu nulle, je la laisse vivre sa vie. j'éprouve soudain le besoin de vérifier mon portable, ce que je ne fais jamais, je ne reçois jamais d'appel en semaine, rarement le week-end mais aujourd'hui il est important d'être joignable, c'est un nouveau rudiment.

je regarde, un message me signale un appel en absence d'A. hier à 22h15, mon portable était alors déchargé et moi je dormais, deux choses empêchait la communication. j'ai dû recevoir un coup au coeur quand j'ai vu qu'il m'avait appelé, ça ne pouvait que traduire une urgence, un besoin pressant de me dire quelque chose, de m'entendre, de me parler, ça ne pouvait pas attendre un SMS, ni un mail, c'était un coup de téléphone, le moyen qui s'approchait le plus d'un contact réel.
ça m'a suivi toute l'après-midi que j'ai passé avec les copines, au restaurant, dans les boutiques, au virgin, dehors sur l'esplanade au soleil avec mes pieds qui me trucidaient dans mes chaussures trop neuves, j'étais pleine d'une tristesse de cinéma, la boule au ventre, le sentiment amoureux qui rend chaque chose satellite de notre personne, comme si tout tournait autour de nous y compris la caméra, à cause de cet amour qui me faisait reine. Je lui ai envoyé un SMS pour lui dire un truc absolument débile, comme quoi j'avais vu qu'il m'avait appelé et qu'en fait je dormais. un truc aussi concis qu'inutile qui traduisait un besoin de s'expliquer qu'il ne réclamait pas. c'était juste un coup de téléphone donné dans le vide et qui ne précédait aucune autre tentative, un seul appel en absence, donné pour me faire plaisir, peut-être à son insu, c'était l'inespéré.
une fois chez moi, après le cappuccino, le granité tropical et le grumble aux pommes de cécilia, une fois devant mon ordinateur et lui connecté je lui envoie un gentil message privé, savoir ce qu'hier il me voulait et que maintenant il ne veut plus était une nécessité. avant de cliquer sur sa réponse je me raisonne et tente de ne pas m'enflammer, la déception est à prendre en compte plus que n'importe quel autre option.
"je ne m'en souviens plus. sincèrement je ne m'en souviens plus
bises",
c'était ça et rien d'autre, il me donne une phrase à lire parce qu'il me devait des explications mais je ne dois pas me préparer à une discussion. j'ai cru comprendre un peu plus tard qu'il avait bu ce soir-là et que ce fait annulait presque complètement son acte, avec ça je réapprend la nouvelle de son départ pour la Chine, c'est pour son travail et c'est pour au moins un mois. ce détail si important que j'avais oublié.
Je m'allonge sur mon lit, la tête dans les mains, je m'étais promis de toujours tout anticiper mais là ça dépasse l'entendement, autant en rire le plus fort possible et tenter d'oublier A. comme lui a oublié la raison de son appel.
sur ma mère
on était samedi, le jour où madame joudet sort l'eau de javel, l'aspirateur dyson et les choses appartenant au champ lexical du ménage. J'entre dans la cuisine, ma mère porte son bas de pyjama, des tongs et mon t-shirt des clash noir. je lui dis "hé tu portes mon t-shirt", elle dit que oui, je lui demande où elle l'a trouvé, elle me dit que je voulais le donner.
c'est vrai tout ça, je voulais le vendre sur ebay, m'en débarasser parce que je ne le porte plus et que je préfère mettre des t-shirts de groupe un peu moins connus. comme les smiths par exemple. finalement ça ne provoque rien en moi, elle peut bien le garder, le tacher, mon armoire est remplie de fringues que j'adore et que je n'ai pas le temps de porter.un peu plus tard je reviens dans la cuisine et lui demande distraitement "tu connais les clash? t'écoutais ça quand t'étais jeune?",
deux fois non,
"les clash c'est ton époque, t'écoutais pas de rock quand t'étais jeune?"elle me répond encore plus distraitement "si, j'écoutais Abba...les beatles...YMCA...", je rigole, amusée et lui répond
"-c'est les village people
-oui voilà".

samedi 17 mai 2008

une histoire sur ma mère et une autre sur mon père

c'était le matin, je fais toujours en sorte de ne pas manger avec mon père, j'y vais avant ou alors après lui, en pyjama ou toute habillée. je le guette un peu, parfois il prépare son petit-déjeuner et il repart dans sa chambre. il mange toujours la même chose curieuse depuis des années : deux pains au lait avec du fromage, sûrement du gouda, et une tasse de thé noire lipton, même la tasse hideuse gagnée il y a plus de 10 ans dans une station service n'a pas changé. un petit-déjeuner finalement très libanais, une tradition parallèle découlant des besoins de la vie quotidienne et qui laisse les plats traditionnels pour les jours de célébrations.
je me souviens en hiver de nos tartines de pain libanais qu'on trempait dans le thé, la feta qui se désintégrait, le pain mouillé, le vrai sucre vite remplacé par l'aspartame. on faisait ça le dimanche, la famille au complet comme ça ne se fait plus. on faisait chauffer les tasses remplies d'eau dans le micro-ondes une par une ou deux par deux quand on était pressé. c'était une des rares choses intéréssantes de mon enfance.

ce matin-là j'ai mal calculé mon coup et j'ai plus ou moins mangé avec lui. il me fait dos, je suis assise à table avec ma tasse de café toujours trop chaude parce que si une minute et demi c'est trop, une minute quinze me semble n'être pas assez. il prépare ses pains au lait, je l'entends parler, l'évènement date un peu alors je ne me souviens plus exactement de ses paroles, il parlait de la différence entre le pain au lait auchan et le pasquier, il disait le pasquier il est beaucoup mieux, y'a une grande différence, il semblait vraiment irrité, il disait que ma mère achetait le auchan et le lui reprochait, je n'ai pas retenu le nom qu'il donnait à ma mère pour parler d'elle, si c'était "ta mère" ou "christiane", ça m'énerve que ce détail m'échappe. je sais que quand il s'adresse à ma soeur et à moi il dit "votre mère" avec tout ce que ça contient de distance dans le nom, cette femme qui ne lui appartient plus, qu'il ne veut plus posséder, qu'il déteste.
ensuite il se retourne et me dit de regarder, dans chacune de ses mains rugueuses il tient un pain au lait, l'un est frippé et écrasé de nature, tout recroquevillé sur lui-même, l'autre est lisse et brillant, un pain au lait de publicité, avec les petites fentes faites au couteau. je suis d'abord surprise voire choquée par cette idée de m'obliger à comparer des pains au lait, ensuite je réalise que la remarque de mon père n'est pas si bête, qu'il réside une vraie différence presque révoltante entre ces deux pains au lait. mon père s'achète lui-même son pain au lait Pasquier, les losanges jaunes sur fond bleu, lui l'esthète, ma mère l'économe.

un peu plus tard dans la matinée j'en parle à ma soeur qui émerge doucement de son sommeil, j'attends une réaction amusée de sa part, un rire, elle me répond alors "bah ouais le Pasquier il est mille fois mieux". bien.

vendredi 16 mai 2008

le vendredi et aussi le samedi c'est le jour de la camionnette Zenith Pizza, elle se gare devant la gare de Becon et n'a pour moi d'autres fonctions que celle de dégager une adorable odeur de pâte à pain sur un périmètre assez large pour pouvoir me suivre sur plusieurs mètres.
j'imagine les femmes et les hommes qui rentrent du travail passer devant, ils la remarquent, la mémorisent sans le vouloir. une fois chez eux leurs enfants sont en chaussettes devant la télé et les ordinateurs, ils ne savent pas quoi manger, dans le frigo il y a les yahourts et les pommes rouges qu'ils détestent, les parents leurs disent des choses comme " j'ai vu une camionnette qui fait des pizzas à côté de la gare de bécon, ça vous dirait des pizzas pour ce soir?" avec une pointe de satisfaction dans la voix, l'impression d'avoir trouvé la solution, d'être un père/une mère particulièrement trop sympa.
les enfants sont excités, la sauce tomate sur du pain, le jambon, le fromage et les olives noires qu'on enlève, le tout qu'on mange avec les doigts, les mains et toutes les dents, tout ça a quelque chose de festif, imaginez si en plus ils la mangent devant la télé, non...ce serait trop de bonheur.

le billet de 20 euros tendu, la vulgaire pâte à pizza prend peu à peu forme et couleurs, entre les mains la boîte en carton blanc est chaude et odorante. le week-end peut alors commencer.

lundi 12 mai 2008

quand l'happy hour s'est terminé sur les coups de 22h30 nous nous sommes décidé d'un endroit pour aller manger. B. voulait absolument des frites mais après 5 verres de bière elle n'y pensait plus, au début tout était prévu pour que nous allions fluncher mais une majorité s'est décidé pour "l'as du falafel",sur le trajet L. nous entraîne dans un restaurant qui s'appelle je crois le "pick-pocks", le serveur entend par habitude "une table pour deux" et L. corrige "pour douze".

je prends la banquette, je me place au milieu de la longue table comme une enfant capricieuse qui veut être entourée, les autres viennent lentement se greffer autour et le hasard décidera des éléments qui constitueront les difficilement supportables extrémités. la gérante qui ressemble à diam's nous vide des bols de cacahuètes sur les tables, parfois une brève bataille commence entre les deux, je m'en reçois quelques unes dans la gueule, je me sens encore plus heureuse qu'à la cantine un mercredi de centre aéré, ces mecs ne savent absolument pas se tenir et c'est vraiment très réjouissant. quand K. va aux toilettes j'en profite pour prendre sa place, les plats ne sont pas encore arrivés, personne ne s'est rien attribué et j'ai vraiment envie de passer le repas à côté d'A. sinon ça va me frustrer, me ronger toute la nuit. je le suis à peu près partout, il sort trop souvent fumer et quand il tarde trop je finis par le rejoindre dehors. cet homme m'attire, je peux difficilement dire le contraire, il m'attire comme nicolas ker m'attirait, je fais avec le peu que je connais de lui, je reçois son intérêt comme une chance, je redeviens la groupie abrutie qui se sous-estime, la fille qui pense tristement dans le métro du retour, venant de lui je ressens comme un parrainage, comme s'il prenait soin de moi.

quand il m'embrasse sur les cheveux cela vaut tout les coca light du monde, quand il dit à la table "on a un point commun, on se déteste entre nous mais on adore vernis" et que tout le monde rigole et ne conteste pas j'ai juste envie de m'évanouir sous le poids du bonheur, quand il me demande comment je vais rentrer ce soir et qu'il me propose d'aller dormir chez lui parce qu'il s'inquiète de me savoir toute seule dans la nuit, qu'il me dit ça avec la plus grande bienveillance, sans arrière-pensée, ça me pète en deux. j'adore sa délicatesse, sa grâce, comme s'il maniait sans cesse son piano, sa voix parlée si proche de sa voix chantée, quand il me confie une "mission de confiance", que je suis là à attendre qu'il parle et qu'il finit par juste me confier son verre de vin que je garde près de moi. depuis ma place, tristement je le regarde fumer dans la nuit, parler avec les gens de son âge, j'essaye de savoir si je suis amoureuse de lui ou si c'est juste un caprice, une romance compliquée, "nerveuse" comme dirait Alister, un homme que je surestime aveuglement, comme si un peu de ma propre estime passait de son côté.

j'aimerais m'épancher sur le miracle de notre rencontre, je me surprends à ne plus me souvenir du tout premier contact, (réflexion) mh si en fait je me souviens, il m'a envoyé un long message sur proust car j'annonçais au forum que je me lançais dans la Recherche, ensuite il m'a demandé mon adresse postale pour m'envoyer des livres, "sur la lecture" et "contre sainte-beuve", je ne le connaissais pas et ça m'a gêné, il s'imaginait qu'une petite meuf comme moi flipperait de lui divulguer son adresse mais j'ai dû lui prouver le contraire, sa gentillesse désintéressée, protectrice, était déjà d'actualité. plus tard et assez spontanément il m'a dit qu'à tout moment je pouvais lui faire signe et que nous pourrions nous voir, que la déception était à prévoir mais que ce n'était pas important. en attendant je fantasmais sur son myspace, ses photos de mauvaises qualités où il était juste impossible de deviner son visage, deux ombres à la place des yeux et de très longs cheveux noirs, le mystère total, l'interdit et une tristesse nouvelle qui se dégageait de ces quelques indices qu'il m'accordait. l'écoute de ses chansons a été le choc sur le gâteau, ce qui allait faire la différence. normalement les belles chansons sont faites par des artistes morts ou appartenant à une autre galaxie où tout le monde parle anglais et qu'on ne peut approcher qu'avec des interviews ou depuis une fosse lors de concerts parisiens, j'achète leurs albums sans prendre la peine d'être admirative, considérant ça comme un gâchis d'énergie, mais là il y avait une proximité sans précédent qui faisait que je pouvais tout lui communiquer, tout lui donner, il était seul et il me sollicitait, le miracle réside dans le fait que je suis passée de l'adulation silencieuse à ses baisers sur mes cheveux, presque sans rien faire, sans acharnement.

la fête -boire, discuter, manger, rigoler- continue et s'annonce comme une évidence, une chose aussi appropriée aux circonstances qu'un sapin à noël, un besoin pour chacun dans une période où certains se sentait esseulé ou simplement désoeuvré. La réussite de ce rassemblement me saute aux yeux, tout est étonnamment parfait, ma salade, les blagues, chaque membre du forum, J-E qui raconte que pour chopper des meufs il faut pas leur demander leurs avis, qui broute la salade de L. et qui finit par lui cracher dans son verre de vin, P. qui me parle de Danielewski, qui nous montre comment il se connecte sur le forum depuis son Iphone, M. qui me fait du pied et qui veut m'embrasser sur la joue avec la langue, A. qui me tartine précautionneusement ma main tremblante avec le vernis bleu marine, B. qui me rate l'autre main, qui essaye mes talons, je ne peux pas faire autrement que de m'attacher à ces connards.
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nous papotons, appuyés dehors contre une voiture pleine de nos traces de doigts, pour la deuxième fois en une semaine on me dit que je ressemble "à la meuf du dessin animé là...Daria voilà", deuxième débat sur mes lunettes pour savoir si ça me va ou pas, parfois il y a des silences où chacun remarque alors la douceur de l'air et de la vie, j'esquisse un sourire et A. me demande "alors heureuse?", je me souviens avoir répondu "ouais trop", soulignant la perfection de cette soirée. on était les rois du restaurant, les verres de vin étaient remplis de sel, gâchés, la table gueulait, les coquilles de cacahuètes éclatées sur la table, l'addition impayable.
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je demande à A. ce qu'il y a dans son sac, il me dit des livres, il me les sort parce que je veux les voir. c'est encore Dennis Cooper, je crois que les trois étaient de lui, c'est F. qui lui en a parlé comme pour moi. j'ai encore l'image du "Salopes" écrit en bleu marine sur les étalages du Virgin de la Défense, je l'imagine lire ces livres tout seul chez lui, je pense à notre complicité née de nulle part, acquise d'un commun accord pour que les choses soient plus simples et aillent plus vite, je l'aime assez pour sauter des étapes, pour ne pas être difficile. nous sommes l'homme et la fille, j'aimerais qu'il voit les choses comme ça.
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01h30, les choses n'oublient pas d'avoir une fin et A. prend le taxi avec B., M., et D., je m'imaginais marcher dans la nuit avec lui, finir la soirée sur des paroles et des gestes somptueux mais toujours aussi frustrants pour pouvoir m'exciter toute une semaine. je le vois préférer le confort d'un retour rapide à une brève promenade en ma compagnie, les adultes sont fatigués et ne choisissent plus avec le coeur. avant de me laisser là sur le trottoir il m'embrasse encore les joues, il me dit de prendre soin de moi, qu'on se reverra comme il a des choses à moi, je lui dis "c'est ça le truc à faire pour se revoir", dans un dernier geste de confusion je l'embrasse sur sa joue, suivi de M. qui me prend par les hanches en dessous de ma veste et m'embrasse lentement sur les joues, ce mec est trop chaud, le taxi disparaît et je marche jusqu'au métro Hôtel de ville avec K. et R.
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R. me parle de ses cours, de sa dépression, ça me rembrunit complètement, trop de gens à soutenir et personne pour le faire, ma vie est nickel, je devrais penser à fermer ma gueule, il descend à Châtelet et je continue jusqu'à la Défense, je suis parfaitement fatiguée, je n'ai pas dormi cette nuit pour pouvoir mimer une révision de maths, ensuite le sommeil ne venait plus et je suis restée deux heures à cligner des yeux. bien sûr il n'y a plus de bus et je dois marcher 30 minutes interminables. il est tellement tard que sur les écrans des abribus il n'y a plus marqué "service terminé" mais "service non commencé" et ça me fait doucement rire.

samedi 10 mai 2008

j'étais sur le point de partir quand ma mère est arrivée, je suis allée la voir, je lui ai dit "hé maman je sors là", elle savait que j'allais fêter mon anniversaire avec les gens du forum de technikart.
elle m'a dit "ah non mets le jean d'hier et pas ces baskets"
"les talons?"
"oui, et tu prends une paire de baskets pour le trajet"
les nouveaux talons de 8cm,
je lui demande de me faire la monnaie de mon billet de 50 euros.

je porte une chemise gap blanche très légère et assez longue avec des rayures rouges tellement fines que de loin la chemise paraît rose. j'ai ma veste marron en velours, mon jean uniqlo, mes talons et mon nouveau sac bleu marine hervé chapelier, dedans il y a entre autres un petit foulard beige fleuri, il y a deux jours j'ai chourré tous les beaux foulards fleuris de ma mère, elle ne les porte plus, elle n'y pense même plus.
ça va faire un paquet de temps qui s'est facilement accumulé en année, peut-être deux ans, qu'on avait pas fait un tel rassemblement, on sera quelque chose comme douze personnes, on a rendez-vous au Hide Out, le bar de la dernière fois et ce choix a été fait sans que j'intervienne, M. dit que c'est la synchronicité.
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du bout des doigts je mets du volume dans mes cheveux, défense de se mettre les cheveux derrière les oreilles pendant toute la soirée, ne pas oublier de ne jamais le faire, je dois garder une importante masse de fils marrons autour du visage car ça m'embellit. en attendant l'ascenseur je fais une check-list du minimum vital qui jalonne le chemin vers la bonne soirée : clé, portable, chewing-gum, portefeuille, carte imagine-r, livre.

mes talons me font rater mon train, je ne peux pas courir et il repart devant mon nez, alors une fois dans le train je troque mes talons contre ma paire de feiyue, c'est assez gênant d'enfiler des chaussettes devant des inconnus, surtout qu'au moment de la deuxième chaussette un mec vient s'asseoir en face de moi, mes pieds sont maculés de traînées marrons à cause des chaussures, je passe pour une fille sale.

vers 19h20 je marche vers le hide out où une bande d'adultes me regarde de loin, ça reste intimidant, certains ne m'ont encore jamais vu et je sens leur opinion se tricoter sur le moment, je fais la bise à tout le monde, voici une partie des personnes avec qui je vais passer la soirée, forcément jusqu'au dernier métro. les premiers contacts sont toujours difficiles, le temps a passé, ce qui fait que je redécouvre les personnes déjà croisées, M. est là, nous nous sommes vus il n'y a pas très longtemps seul à seul, c'est une difficulté en moins.
je passe des journées entières à discuter indirectement avec ces gens sur toutes sortes de sujet qui vont de la mort de pascal sevran au nouveau clip de justice et ça fait 3 ans que les choses se passent comme ça, je n'ai jamais arrêté, j'ai toujours voulu être là, j'ai parfois l'impression qu'ils m'ont beaucoup appris et qu'ils sont même responsables de certaines choses dans mon style d'écriture.

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P. arrive avec sa copine, il habitait encore récemment dans les dom-tom, c'est un bel homme, baraqué, bronzé, beau et vif qui nous ne ressemble pas tellement, nous les gringalets urbains, blancs et mous, il est en forme, ne se néglige pas et ça fait plaisir à voir, c'est un homme épais, vivant et épanoui qui a nagé dans la mer et marché pieds nus plus souvent que nous.
il me tend son cadeau qui ouvre le bal à une déferlante de cadeau, nos corps debouts forment un cercle intime qui s'agrandit au fur et à mesure que les gens arrivent, tout le monde me chante "joyeux anniversaire" et je suis gênée, je leurs dit d'arrêter mais une voix en entraîne une autre.
son cadeau : le petit canard vibromasseur "format travel" facilement reconnaissable, il est rose irisée et pour l'instant inoffensif car dépourvu de sa pile, il a l'oeil sournois.
j'ouvre les autres
- un petit livre usé de la collection milles et une nuit de raoul vaneigem "avertissement aux écoliers et lycéens", un mec difficilement compréhensible pour l'instant.
- un vernis bleu marine Dior, mon pseudo sur le forum est "vernis rouge" et j'avais dit à B. que ma couleur préférée était le bleu marine.
- "l'affaire N'Gustro" de J-P Manchette, un livre policier, une chose que je ne lis jamais mais les premières lignes présagent de bonnes choses.

c'est à ce moment-là, après les remerciements et la sensation touchante d'un acte d'achat qui m'a été consacré, qu'A. décide d'intervenir dans l'histoire. il porte une chemise blanche, la première et dernière fois elle était noire et dans ma tête les deux images se répondent. je ne peux m'empêcher de penser à sa chanson "never been happier" (qu'on peut écouter en fin de radio vernis numéro 2) quand je le vois, c'est comme ne pouvoir s'empêcher de penser aux beatles en voyant paul mc cartney, certaines choses sont positivement indissociables. je le présente au reste de la bande, récitant les pseudos de chacun, il sert les mains et reconnaît les gens une fois le pseudo annoncé, c'est une situation très rigolote, une des nombreuses qu'internet peut rendre possible.
je lui dis que j'ai pensé à lui et il me dit "moi aussi" en me sortant un paquet rouge Virgin quand moi je le tend un sac Fnac. il sort le coffret des Six Contes Moraux de Rohmer, je voulais lui montrer que mes paroles précédaient souvent des actes et que j'oublie rarement les choses que je promets. Les gens veulent toujours nous prêter des tas de bouquins, de cd et de dvd mais n'y pense jamais, moi j'essaye de m'en souvenir. et là en y réfléchissant je me dis que lui prêter rohmer c'est aussi devenir indissociable de ce qu'il va regarder, être associée à rohmer c'est une occasion à ne pas perdre.
son paquet est épais et renferme un coffret 3 dvd de l'abécédaire de Gilles Deleuze, et là survient encore l'histoire de ces personnes indissociables de certaines choses, je repense à Baptiste qui m'avait filé le torrent de cet Abécédaire, je n'avais pas tout écouté par faute de temps, puis je n'ai plus jamais eu le temps. avec le coffret il y a un recueil de nouvelles, "la muraille de chine" de kafka. je me souviens avoir été émue, je savais combien tout cela devait valoir et que je ne méritais pas autant et je sentais dans tous ces cadeaux la même volonté de me faire plaisir et j'y étais plus que sensible si on ajoutait le fait que je ne connaissais pas bien voire pas du tout ces personnes que j'aimais pour mes raison d'un amour sincère.
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je parle avec D., deux ans plus tôt houellebecq était déjà notre principal sujet de conversation, il me parle aussi de zemmour et de soral comme toujours, il connaît zemmour, il lui écrit des mails, il fait aussi partie d'une sorte de parti politique créé par soral, il me raconte ses problèmes de rangement, son manque de volonté qui fait qu'à partir du moment où il ne veut pas ranger il ne peut rien faire, ni chercher du travail ni rien, il a besoin d'un bureau, d'ordre, il a comme tout le monde des projets, c'est pas le genre de choses qui manque chez les gens, la différence c'est que certains se bougent le cul. je lui dis de ne pas réfléchir, de se lever un matin et de tout ranger, et puis au milieu de la conversation il m'embrasse la joue avec, je peux le sentir, beaucoup d'affection peut-être même toute son affection, et il ajoute"et au fait merci de m'avoir invité, je sors pas souvent ça me fait vraiment du bien", j'y repense souvent car c'était spontané, inattendu, ça m'a fait perdre mes moyens, je lui ai répondu qu'il faisait partie de la bande et qu'il serait invité à tout nos rassemblements, que c'était naturel. tout ces propos reflétaient un réel désespoir qui ridiculisait totalement le mien, après ça je n'avais plus le droit d'être malheureuse, ni de me plaindre.
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pendant la soirée j'ai eu le droit à une dizaine de baiser sur la joue qui m'ont tous vraiment plu, ce geste enfantin contrastait joliment avec les personnes adultes qui me les donnait. A. m'embrassait sur les cheveux, c'était bienveillant et protecteur.
je remarque que les adultes se rendent compte de l'importance, de la signification d'un vrai baiser donné sur la joue, ils savent que c'est un geste de gratitude, d'affection simple indépassable et parfois bouleversant. maintenant je pense à cécilia et julie qui parfois me prennent par surprise et m'embrassent sur la joue, elles savent que je n'aime pas trop les contacts physiques mais je commence à m'y faire.


à suivre

mercredi 7 mai 2008




04H. benjamin est fatigué, je lui demande une seule fois de rester et ensuite je n'insiste pas, il dormait sur la table, les bras croisés, les cheveux humides à cause de la danse. après notre baiser il s'est éloigné, j'aurai dû le lui donner plus tard pour qu'il reste à côté de moi, je m'en veux d'avoir cédé. je l'accompagne jusqu'à son noctilien, j'avais un peu froid et je n'avais jamais vu paris aussi calme, mes pas et ma voix aussi sonores, l'idée d'une ville me paraissait enfin simple et paris pour la première fois n'était plus quelque chose qui me dépassait, que je n'arrivais pas à cerner, tout me semblait organisé, les rues et les trottoirs, les magasins d'habits et les bars, les agences de voyage et les bureaux, c'est ici qu'apparemment les vies se déroulaient.
on parle, je suis un peu fatiguée et je ne dis pas des choses forcément intéréssantes, lui me raconte qu'il aimerait ne plus avoir à boire pour s'amuser, que quand il boit trop il se dégoute et là je deviens un peu plus grave, là je le regarde et je lui dis que c'est triste. je ne connais pas ces/ses problèmes, ils me semblent loin devant moi, peut-être plus à ma portée que je ne le pense, je n'ai jamais été saoûle et je ne bois jamais parce que je n'aime pas le goût de l'alcool, ça n'a rien à voir avec la morale, ma mère n'a jamais eu à s'inquiéter pour ça, je suis pourtant du genre à user excessivement de ce qui me fait du bien, des douches et du coca light par exemple, mais concernant l'alcool rien n'a encore commencé et j'ai toujours pensé assez naïvement qu'il suffisait de deux choses peu quotidiennes pour s'amuser : danser et "faire des rencontres", rarement autre chose.
on finit sur une note triste et il me fait la bise. je repars en courant à toute allure vers le bar.

5H. la soirée se termine comme une chanson qui finit en fondu, le son baisse progressivement jusqu'à la prochaine plage, c'est aussi déchirant que la fin d'un voyage. rodolphe loïc et les autrichiennes sont définitivement dehors, appuyés à une voiture, sarah et john aussi (il me dit qu'il s'appelle john goodman, c'est le nom d'un acteur je crois) , je suis à l'intérieur avec maurad et ses trois amis, je m'approche de lui pour pouvoir l'entendre, je lui parle de son visage qui est spécial, il me parle de son métier et de la couleur indeterminée de ses yeux, que ça pose problème au commissariat, j'imagine son visage dans la lumière de la journée, je ne le connaitrais que dans l'ombre. vers 05h30 je fais la bise aux quatre garçons du bar en ne sachant pas quoi penser, s'il faut prendre ça comme un adieu car j'ai en tête qu'on fait plus d'adieu qu'on ne le pense. rodolphe et loïc, eux ont dit adieu à leurs deux autrichiennes pendant que je parlais à sarah du drame de ne pas pouvoir communiquer tout à fait avec la fille que rodolphe embrasse et qui ne parle pas la même langue que lui, si ça se trouve ils aiment les mêmes écrivains mais ils ne le sauront jamais. leurs langues étrangères qui ne prononcent jamais le genre de même son s'embrassent quand même

on marche à cinq dans la rue, on est une bande provisoire, on parle fort en attendant de tomber sur le métro, c'est le moment tant spécial où il fait jour et où les réverbères sont encore allumés, je lance l'idée d'un petit déjeuner, on cherche un truc ouvert, je suis prête à claquer mes 10 euros pour tout le monde, je commence à avoir faim : c'est le début du recommencement des choses normales, la faim, la soif, la fatigue.je me vois bien acheter cinq croissants mais vraiment rien est ouvert alors qu'il est

6H. j'attends le métro qui reprend doucement sa fréquence normale, pour l'instant il faut encore patienter 12 minutes et j'ai le temps de prendre quelque chose dans le distributeur. une pièce de 2 euros et la liberté de choisir entre n'importe quelles cochonneries, je voulais les madeleines mais il n'y en a plus. à la place je tape le numéro du kinder bueno white, je le mange carré par carré, l'emballage fait du bruit sur le quai silencieux, c'est rudement bon, je pense aux petits enfants qui mangent ça tous les jours à l'heure du goûter avec une brique de jus de pomme, je me dis qu'il n'y a plus que la nourriture qui puisse me rappeler à mon enfance, même les dessins animés sont maintenant en trois dimensions et incompréhensibles.

un homme s'est endormi sur sa chaise et le métro arrive, j'hésite à le réveiller, il est plutôt beau mais le sommeil c'est sacré, finalement il se lève au dernier moment et je regarde ses cheveux dépassés de son siège et l'écouteur blanc dans son oreille jusqu'à Saint Lazare.
saint lazare est vide, il faut encore du temps pour que les personnes qui le peupleront se réveillent et s'habillent, les grillages des magasins fermés comme des paupières, le petit vent qui traverse les rues. je prends le train qui part tout de suite, je ne sors pas de livre, j'écris juste dans mon carnet les idées qui me sont venues et les choses qui me sont arrivées durant la soirée, benjamin qui m'offre une rose trouvée dans une poubelle, ces choses dont je n'ai pas parlé, ce sera dur de ne rien omettre et j'ai conscience du travail qui m'attend, devoir douloureusement repenser à tout.

chez moi tout le monde dormait, je passe devant les chambres, j'ai la vision de toute la famille qui dort en me faisant dos, il était un peu plus de 7 heures du matin et mon père se réveille souvent par là, je m'attendais à une confrontation, à des explications balbutiées, et pourtant tout se passe étonnament comme je l'ai souhaité sans l'espérer, j'aurai pu prendre le métro à 02h et ne rien vivre de ce que vous venez de lire.
j'entre dans ma chambre, et je pose mes affaires, il y a encore les cadeaux de ma mère sur mon lit, je mets tout par terre et j'ouvre la couverture au cas où mon père se réveillerait, je devrais alors faire semblant de dormir. je me déshabille, je prends mon temps pour me laver le visage, me démaquiller les deux yeux, je vais dans la cuisine déjeuner silencieusement debout face à la fenêtre, des biscuits et du lait tiède que je viens de sortir car il n'y en a plus dans le frigo, le ciel est blanc et le soleil rond et orange, j'ai l'illusion d'être matinale, aujourd'hui j'ai vu le jour alors je peux me permettre de dormir toute la journée. je me réveille à 14h sans savoir que ma mère n'a pas l'intention de me gronder.

dimanche 4 mai 2008

ça commence toujours de manière légèrement insidieuse, les heures sont vides devant nous, on peut les prendre et les modeler comme on veut. aujourd'hui contrairement aux formes plates de chaque samedi soir elles ont pris des formes étranges de soirée imprévisiblement parfaite. ça a commencé avec philippe qui m'écrit sur msn pour savoir ce que je fais de ma soirée. je lui dis "rien", il est déjà 21h, il veut qu'on aille à la maroquinerie à une soirée myspace, il suffit d'imprimer son profil pour rentrer.
il n'a pas d'imprimante et rodolphe et loïc non plus, ils viennent avec nous. j'imprime pour tout le monde est au dernier moment il me dit que ça va craindre, qu'on risque de ne pas pouvoir rentrer, rendez-vous chez lui, on verra après ce qu'on va faire.

je marche à pied jusqu'au pont de levallois, j'ai passé ma journée dehors, il faisait vraiment chaud, je sentais la sueur sans odeur sur des zones de mon corps, j'ai d'abord marché, j'ai regardé les personnes au soleil puis je suis allée voir l'exposition de Valérie Mréjen au Jeu de Paume. le musée fermait à 19h et je n'ai pas eu le temps de faire la deuxième exposition, je devrais revenir, repayer 4 euros, c'est pas trop grave.

quand je suis revenue à la maison il y avait ma mère qui bloquait l'entrée avec une de ses valises, elle m'a faite la bise et puis elle m'a dit "waaw" en me voyant, elle m'a dit que mes cheveux étaient beaux, je sais que j'étais plutôt belle ce jour-là, j'avais pu le voir à plusieurs reprises dans mon reflet sur les vitres des voitures.
elle avait mis les cadeaux sur mon lit, je lui avais pourtant dit de ne rien m'acheter, je voulais vraiment rien des etats-unis, j'imagine toujours qu'ils n'ont rien de beaux dans les boutiques, les meufs sur mtv s'habillent toujours trop mal.
il y avait deux sacs ralph lauren que je n'ai pas aimé, 3 débardeurs de chez gap que sa tante m'offrait, un t-shirt las vegas avec lequel je ne me voyais que dormir, des pantoufles en fausse fourrure rose qui allait bien avec mon jean, je les ai tout de suite aimées.
je regarde ma mère ranger les affaires tout en mangeant un esquimau aux fruits rouges et à la glace à la vanille, ceux qu'on a acheté hier chez franprix.
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je suis chez philippe, c'est la deuxième fois que je viens chez lui, la troisième fois que je le vois. je suis la première a arriver, depuis sa pendaison de crémaillère il y a des meubles et ses livres. beaucoup de camus, de jack london (lol), un sweig, les bukowski, des mangas, les boris vian et dans sa chambre tous les john fante et "nouvelles" de salinger dans le tas.

il a une idée, il va faire un brownie et moi je vais l'aider, on sort les ingrédients, il me dit qu'il fait la vaisselle au fur et à mesure qu'elle arrive et qu'il attend pas que ça s'empile, je lui dis que c'est ce qu'il faut faire mais comme tous les garçons qui font la vaisselle il ne frotte pas assez vigoureusement et il gâche beaucoup d'eau, je lui apprends qu'il faut plutôt mettre le liquide vaiselle sur l'éponge que sur les objets, ça en gâche moins. je lui propose aussi de faire la vaisselle et il me répond "non c'est bon, mais tu peux essuyer", je lui rétorque que c'est le truc le plus nul.
on fait le brownie à partir d'une recette écrite sur un bout de carton, il en a environ 5 comme ça, elles sont appuyées contre le mur, je lui dis "oh c'est mignon, c'est ton livre de cuisine".
on fait chauffer le beurre et le chocolat, on met le sucre, les oeufs, la pincée de sel, on discute un peu de son mini-four, du fait qu'il soit végétarien.

une fille qui s'appelle sarah arrive, elle a emmené une bouteille de jus de pomme et une autre de vodka, elle reste seule au salon, elle fume par la fenêtre pendant qu'on fait le gâteau, je pense qu'elle regarde ce qui se passe à l'intérieur des autres appartements car quand j'étais venue c'était ce que j'avais fait sauf que moi c'était justement pour éviter la fumée des autres.
c'est assez calme, parfois personne ne parle mais on s'en fiche, on est ensemble, je ne les connais pas très bien mais je suis contente d'être ici, j'aimerais passer une grande soirée.

benjamin arrive, il sonne comme un épileptique, on peut vite le reconnaître. on est amis MSN depuis assez longtemps, peut-être 3 ans ou 2 ans et demi alors. ça fait aussi la deuxième fois que je le vois, il s'est coupé les cheveux, il porte une chemise à carreaux et un sweat à capuche, un jean un peu serré et des converse basses toutes noires avec des lacets blancs trop fins.
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vers 23h on sort de l'appartement, on a un peu discuté, ils ont bus des cocktails avec des dégradés de couleur, on a regardé une vidéo sur youtube qui était drôle, philippe a dit qu'il fallait laisse reposer le brownie 2 heures alors on l'a laissé se reposer pendant que nous on allait faire la fiesta, j'ai appelé ma mère, elle ne veut pas que je passe la nuit dehors, elle veut que je rentre avec le dernier métro, mais elle me le dit gentiment.

on a rejoint rodolphe et loïc dans un bar plus petit que ma cuisine à bastille. rodolphe était content de me revoir et moi aussi j'étais assez impatiente, je ne l'ai vu qu'une fois le jour du nouvel an, je ne le connaissais que depuis, je sais pas, 4 jours sur internet, j'avais oublié qu'il était beau comme ça, une petite tête vraiment adorable, des yeux un peu brillants. j'aime vraiment ce qu'il est, son indépendance et sa gentillesse.
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on va chez "Les Disquaires", j'avais entendu parler de ce bar dans Technikart. on rentre et on danse presque directement, quand je vois rodolphe ou benjamin le plus souvent je sais qu'on va danser, j'ai toujours dansé quand ils étaient là, je suis connue pour ça. au début je suis dans mon coin, je me réapproprie mes pas préférés, à un moment je sens qu'il n'y a plus grand monde sur la minuscule piste et que je suis un peu au milieu, je ne lève pas la tête, je danse avec benjamin, loïc ou rodolphe, je donne tout, j'ai très mal au corps et au coeur mais j'apprécie la douleur, je me sens en vie et des gens me regardent, par respect pour eux je continue mais je me sens vraiment à bout. parfois je m'écrase sur le mur pour reprendre mon souffle, je demande un verre d'eau au barman, tout le monde est là pour discuter et boire de l'alcool et moi je suis là pour danser et boire de l'eau, je n'ai pas encore tout compris. quand je commande mon verre d'eau j'entends un rabat-joie à côté qui dit à son copain "de l'eau...mais plus personne n'en boit aujourd'hui", il se moque un peu mais j'ai pas le temps de m'occuper de lui je dois aller danser sur les tubes des années 80.
après une de mes danses un mec qui porte un masque de nounours s'approche de moi et me parle, j'entends rien alors je lui enlève son masque, il porte des lunettes et il me demande "t'es danseuse?" je suis très flattée et je lui réponds "non c'est juste que je sors pas souvent" et il rigole un peu, je retourne sur la piste, il est dans les 01h30 du matin, je dois bientôt y aller, quitter mes amis. rodolphe me dit qu'il peut parler à ma mère, que pour une fois qu'il est là il veut que je passe la soirée avec eux, mais je suis raisonnable, je fais la bise à tout le monde, benjamin exige un bisou sur la bouche, je suis triste de partir alors je le lui donne. je prends ma veste et traverse la petite foule.

ensuite ce qui se passe c'est que je me perds, je ne trouve pas le métro ou alors je le trouve trop tard et il est déjà 02h, 02h15, je sais qu'inconsciemment je voulais le rater pour rester avec mes copains et que mon corps a obéit. je les rappelle pour qu'ils m'aident à les rejoindre, qu'ils viennent me chercher.

on se retrouve devant le passage du cheval blanc, le truc de technikart, je suis sur le trottoir d'en face, il se moque gentiment de moi, la fille qui a raté le métro et qui va se faire taper par sa mère. je lui écris un texto et je lui mens "je vais dormir chez une fille qui s'appelle sarah".
il y a rodolphe, un ami à lui, loïc, philippe, benjamin, sarah, moi et deux autrichiennes qui trainent depuis 3 jours avec rodolphe et loïc, elles parlent pas français, elles ont 17 ans et elles sont souriantes, parfois rodolphe embrasse son autrichienne dans la rue.
on marche pendant près d'une heure, je sais pas où on va, benjamin parle à tous les gens qu'ils croisent, il chante sa chanson serbe, il apprend le serbe en ce moment, il nous parle que de ce pays et on rigole.
après il fait n'importe quoi comme ci la rue était à lui, il mange des restes de mcdo qu'ils piochent dans les poubelles, des frites et des bouts de fromage tout en me tenant par l'épaule, il me dit "mais c'est gratuit, c'est gratuit" et il me parle de ce mouvement aux états unis, des gens qui mangent que des invendus ou des trucs dans les poubelles. je lui dis que j'avais vu un reportage là-dessus dans tracks, c'était y'a très longtemps, je regarde plus tracks.
je finis par lui dire que c'est moi ou les poubelles et c'est là qu'il arrête, il insiste pour m'embrasser, il me tend ses lèvres et je lui dis "non pas maintenant pas devant les autres". on marche une heure, on prend aussi le bus, je suis à côté de lui dans la lumière bienveillante du bus, autour de nous des gens vivants et éveillés, benjamin qui est très beau et qui est à côté de moi, la nuit parfaite qui nous appartient. ça doit être là qu'il a commencé à prendre mes mains et à les trouver jolies. parfois il parle des autres filles et de moi qui suis différente, je sais qu'il ne me connait pas bien et je finis par lui dire qu'il n'est pas obligé de me flatter, qu'il peut me parler normalement et il me dit "d'accord".
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on va dans un bar qui s'appelle le Hide Out, je suis souvent passée devant, c'est à Chatelet, ça fait un peu peur vu de l'extérieur. à l'intérieur tu entends de la musique souvent nulle, il y a un dancefloor très petit et très sombre au sous-sol, le sol est sale et mouillé, le son trop fort, je reste sur les tables en bois avec les verres de bière brune et blonde, il y a l'ami de benjamin, maurad. un garçon super beau que j'avais déjà vu en photo, il y a son pote à côté, personne ne m'a dit son nom mais on a parlé ensemble pendant la nuit avec deux autres garçons, j'ai oublié leurs noms mais j'étais souvent avec eux.

de notre arrivée jusqu'à environ 05h30 du matin tout s'est passé ici, soit dehors, soit sur les tables, soit sur le dancefloor, le sol pour danser. en y repensant ça avait quelque chose de magique et d'idéal, on se regardait tous, on parlait, les gens sortaient dehors pour fumer, j'arrivais toujours à en trouver un pour aller danser avec moi même si j'y suis pas allée souvent, c'était sincère et tendre, j'arrivais enfin à ne plus me poser de questions.
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il y a les hommes autour que je croise plusieurs fois dans la soirée, il y en a partout. les quelques regards que j'arrive à attirer n'attestent peut-être pas d'un désir mais d'un intérêt et de ma présence en ces lieux. voir et être vue, entendre et être entendue, et ma mère qui n'appelle pas, qui dort pendant que sa fille a les yeux ouverts dans un endroit dans lequel elle ne devrait pas et même jamais se trouver, interdit aux moins de 18 ans, comme les films pornographiques, qui est dans paris, dans l'obscurité, entourée de garçons qui ont tous plus de 20 ans. viens l'inévitable moment où je m'imagine ce matin et ce que j'aurai répondu à la personne qui m'aurait annoncé le programme de ma nuit, je pense à ma télé éteinte, à mon lit fait, à ce qu'on rate quand on est raisonnablement chez soi mais qu'on ne peut pas faire autrement. je veux alors être une clubbeuse, une meuf de la nuit, david guetta.
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depuis le début, depuis chez philippe benjamin me fixe et me sourit benoîtement comme si j'étais une demeurée. j'étais là et je ne l'ai pas vu boire tant que ça, chaque minute je lui demande s'il est bourré ou si ça va et il me répond "nan ça va". il prend un tabouret et s'assied en face de moi, il me tend sa paume et je colle la mienne dessus. il approche sa tête et je le repousse plusieurs fois, je lui dis encore "pas devant les autres, pas devant tes potes, c'est trop déplacé". j'ai passé ma soirée à dire ça, "pas devant les autres, pas maintenant".

philippe veut y aller, il me dit qu'il veut pas être décalé et se réveiller tard alors il s'en va.

10 minutes plus tard benjamin m'embrasse très doucement avec la langue, j'en ai envie autant que lui, c'est l'un des plus beaux et des plus gentils garçons que j'ai pu croisé, il est tout ce que je ne suis pas, végétarien et libre comme ça se fait plus. il ne m'aime pas et je l'embrasse pour me consoler de tout ce qui n'est pas cette soirée. philippe revient juste à ce moment là, il a eu une embrouille avec des mecs dans la rue alors benjamin part l'accompagner jusqu'au noctilien, il va faire le tour du quartier pour retrouver le mec qui a embrouillé philippe, il est trop drôle.

pendant ce temps je parle à maurad et les autres, ils sont sympas j'aimerais bien être leur amie. j'ai dû sortir ma carte d'identité pour leur prouver mon âge et puis ensuite ils ont parlé de mes lunettes qui ne me vont pas et j'ai essayé celles de ceux qui en avaient et ils étaient tous d'accord pour me dire que ça m'allait mieux, après benjamin revient et on va danser un peu sur "upside down", le stroboscope c'est vraiment de la merde, je vois benjamin qu'une fois toutes les deux demi-seconde.

ils fument dehors et je les rejoins, la nuit est doucement fraiche comme un verre de lait froid, il y a du monde dans le bar d'en face, il y a du monde partout encore à 4h du matin, ça redonne foi en la vie, tu peux aller leur parler, c'est comme un mcdo qui ne ferme jamais, tu sais que tu peux y aller quand tu veux, que tu n'es plus seul, qu'il survivra au reste. on parle avec un couple trop beau, ça fait 4 ans et demi qu'ils sont ensemble, ça m'impressionne toujours autant les couples qui durent, je trouve ça émouvant. ils me disent que j'ai un petit air de Daria mais qu'il faut pas que je le prenne mal et je leurs dis que c'est pour moi un compliment.

à suivre

samedi 3 mai 2008

mh je me souviens de ma nuit d'hier, vers 4h j'éteint la lumière et positionne définitivement mon corps pour la nuit, ce sera sur le ventre.
2 heures après j'y suis toujours, j'ai écouté défiler une vingtaine de fois le journal d'LCI, j'ai pu remarqué qu'ils ajoutaient à chaque fois un peu plus de précision à leurs sujets, ça me paraissait incroyable, le mec qui refait sans s'arrêter la même édition à peu de changement près. je sombre lentement, je sens le halo bleuté s'immiscer, vouloir faire partie de mon endormissement, de ce qui se passera après.
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maman revient demain, on a refait des courses, c'est mon père qui nous a dit de les faire. il s'est occupé des fruits, il a acheté des pêches, des citrons, des pommes et des tomates. toutes les pêches sont déjà trop mûres, il y en a plus d'une vingtaine, on ne sait pas comment gérer la catastrophe. mon père ne s'est pas se débrouiller, c'est encore un gamin qui ne distingue pas le bien du mal et qui n'a pas compris qu'on pouvait choisir une pêche mieux qu'une autre.
je l'imagine bien mettre tout dans le sac, grossièrement, sans s'offusquer de leur coin trop mou, certaines sont percées et le jus dégouline, certaines ne sont que des poches remplies de jus.
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quand j'ai séché les fruits je me suis rendue compte que ma peau était exactement comme la surface d'un citron, avec les mêmes pores aussi apparents, presque comme des cratères. la surface légèrement brillante, cireuse, qui correspondait à ma peau grasse, oui il y avait donc bien un citron qui s'était infiltré dans l'histoire de ma conception.
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il est une heure du matin, je reçois un texto de ma mère qui me dit qu'elle sait que je suis encore réveillée et qu'elle est au duty free, elle me demande si je veux un parfum en particulier. j'en parle à ma soeur, on trouve la situation amusante. ma soeur veut le parfum "pour elle" de narciso rodriguez, elle arrivait jamais à retenir le nom, elle en inventait toujours d'autres à consonance italienne et je la corrigeais à chaque fois. moi je lui demande "miss me" de stella cadente, je crois que re-sentir ce parfum me fera du bien, me projettera dans le passé mieux que n'importe quelle chanson.
en 2nd j'ai demandé un peu au milieu du cours à ma prof de physique si son parfum était bien "miss me" de stella cadente, elle m'a dit "oui, comment tu sais?" elle était très étonnée, je sais plus ce que j'ai répondu, après elle a dû me mettre dans un coin à part de son cerveau, j'étais la fille qui connaissait son parfum, un truc dans le genre.
pareil pour la prof d'svt, j'avais repéré son "miss dior chérie", mais c'était vers la fin de l'année et ce parfum pue puis tout le monde le connaît. je sais plus ce qu'elle m'avait répondu, elle devait être amusée. comme j'avais pas de bonne note je devais bien trouver un moyen de me rattraper.

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effort de mémoire
on a acheté
des yahourts sveltesse 0% à la vanille
des tranches de blanc de poulet
4 rouleaux de sopalin
10 knacki herta
(05h53, il fait bientôt jour)
des Smacks leader price
des fitness
une bouteille de coca light
des paille d'or framboise prix futé
des biscuits tartelettes à la fraise prix futé
des compotes sans sucres ajoutés parce que tout les soirs ma mère en fait manger une à emile, on l'entend crier "MAMAN...LA COMPOTE"
6 petites bouteilles d'eau
2 boîtes de petit pois
3 esquimaux enrobage fruits rouge/ intérieur vanille
des olives noires
des olives vertes dénoyautées
de la confiture allégée d'abricot
des biscottes allégées, je crois n'avoir rien oublié. on a payé 25 euros et des miettes

on voulait des sachets de salade et du fromage blanc zéropourcent mais il y en avait plus
on voulait aussi du thon mais on le trouvait cher et le thon ça se prend pas en prix futé,
aussi je voulais des surimis mais je sais pas, j'ai abandonné.
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10 décembre 1848 : louis napoléon est élu président de la république
2 décembre 1851 : il fait un coup d'état
2 décembre 1852 : proclamation du second empire
4 septembre 1870 : effondrement du second empire / proclamation de la république

ok désolée, c'était pour me tester.

jeudi 1 mai 2008

je me suis levé à 10h20, c'est la douleur de mon ventre qui m'a réveillé. mon père m'a dit bonjour et il m'a dit que j'étais matinale et que j'avais battue myriam. mais il sait pas que je me lève toujours avant elle, je suis un peu énervée mais je vais quand même prendre mon petit déjeuner.
hier j'ai vu, il y avait du sang dans les toilettes, je recommencais aussi à saigner du nez, il y avait aussi du sang sur la brosse à dents, je sais pas ce qui se passe avec mes dents, je saignais de partout, c'était drôle, j'ai pensé que j'étais bien en vie.

ensuite je n'avais pas la force de vivre la fin de la matinée et le début de l'après-midi, entre 11h et 15h, j'ai mis ally mcbeal et je me suis rendormie jusqu'à environ 14h30, ça m'a fait du bien, j'aime raté plein d'heure de la journée, je suis dans mon lit, tant que je dors je me sens bien, ensuite je me lève et je me sens lourde et sale, je sens que ma peau est lourde et il y a la douleur au ventre. je prends une douche, je nettoie tout, je change de pyjama et je mange des petits pois, je prends un médicament et je bois un cappuccino, j'écoute "la tête au carré", la chroniqueuse parle de tous les poissons qui vont bientôt disparaitre ensuite le journal et le répondeur de "là-bas si j'y suis", il n'y a aucune bonne nouvelle nulle part.


je vais dans ma chambre, je sais que je dois réviser, au début des vacances j'ai fait une liste de choses à faire, beaucoup moins de la moitié est accomplie. je cherche un cd que je n'ai pas écouté depuis longtemps, je sors "l'absente" de yann tiersen, il y a un petit papier à l'intérieur du cd avec écrit l'endroit, le prix et la date à laquelle je l'avais acheter, c'était en 2004, j'avais 13 ans et je m'en souviens très bien, c'était un mercredi d'hiver. il y a quelques années je l'avais réécouter et ça ne m'avait rien fait mais là c'était autre chose, ça concordait avec mon humeur, trois chansons de l'album sont belles à en pleurer, deux en anglais, une en français.
la parade, , les jours tristes, l'échec,
c'est un album à avoir toujours près de soi, à portée d'écoute
elle ne porte pas de sac, elle m'a dit qu'elle comptait sur mon sac pour mettre ses affaires, que quand elle va à un concert elle s'arrange pour ne rien porter mais finalement je n'ai porté que sa place de concert et c'était très léger, une rectangle de papier légèrement cartonné. j'ai besoin d'avoir un sac, il y a mon livre, mes clés, mon carnet, mon portefeuille, ma pochette avec des trucs, mes lunettes de soleil, mon portable, mon appareil photo.
parfois je vais sur le site le sac des filles et j'ai honte pour nous, j'ai honte de ces meufs qui trimballent au bout de leur bras tout un tas de conneries, de gadget fétiches dont elles ne s'imaginent pas séparée, des sacs lourds, remplis de merde, pas même un livre, ou si, parfois un guillaume musso, parfois on peut en distinguer une plus classe que les autres, qui a compris ce qu'était un sac, et là le site devient agréable, a un intérêt, même si on se rend vite compte que le mystère des sacs des filles fait finalement place à une extrême banalité. on se rend aussi vite compte que dans les poches des garçons ça se passe mieux, ils savent où se trouve l'essentiel, ils savent de quoi ils auront besoin une fois dehors sans forcément anticiper les pires situations, ils savent que le prévisible arrive plus souvent que l'imprévisible.

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on arrive à Bastille, je lui dis que quand je faisais mon stage chez Technikart je prenais tous les jours le métro ici, je lui montre où se trouve les locaux du magazine, c'est juste à la sortie, passage du cheval blanc, dans une petite impasse. Bastille ce n'est que ça pour moi, mon stage chez technikart. on demande à un garçon de café qui fume une cigarette où se trouve le café de la danse, il me dit très précisément "première à droite, première à gauche". en traversant les rues je me souviens que Bastille c'est aussi ma première rencontre avec nicolas ker, assis autour d'une table au café de la plage, nous étions à côté, je lui adresse la parole, il pouvait encore fumer à l'intérieur, il ressemblait à un sorcier avec toutes ces volutes de fumée autour de son visage, le souvenir peut-être faussé par le temps d'un sourire ironique, un peu amer qui laisse découvrir des canines pointues, son ras du cou qui m'obsédait. de tout ça il doit ne plus s'en souvenir, il ne va plus jamais y penser pendant que j'y repense devant vous.

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on est appuyé contre un mur en face du café de la plage, julie fume une cigarette, comme nicolas ker, comme tout les fumeurs. au moment de l'écriture je me souviens vaguement d'une phrase que je peine à retrouver dans "La Chute" de camus, "celui qui est là est toujours le premier", dans le contexte ça voulait dire que celui qui était là, près de nous, tout de suite, était le gagnant, était celui qui avait survécu à tous les autres, qui avait fait en sorte de ne pas venir trop tôt, de ne pas appartenir tout de suite au passé, qui durait près de nous et j'ai cette image de julie qui est à côté de moi, avec moi, et les autres ne sont plus là, nicolas ker n'est plus là, baptiste n'est plus là, le passé est perdant, en pensant à eux ils n'ont pas assez d'incidence dans ma vie alors que julie peut me mettre une claque ou m'arranger ma chemise, pour moi elle a en quelque sorte gagné, c'est la première, et inversement j'ai gagné pour elle.

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Matthieu arrive, c'est un proche ami de baptiste, il annonce la venue de ce dernier et je suis un peu excitée, comme par réflexe je peux pas m'empêcher de changer de place, de me mettre dos à lui mais il vient vers moi et je lui fais la bise, je regrette immédiatement mon geste, je n'ai toujours pas cessé d'y penser, je vais encore y penser longtemps. ça ne voulait rien dire, je ne voulais pas l'éviter, juste éviter de faire un choix entre aller lui parler et rester contre le mur, je trouvais la situation délicate.
il me dit que baptiste ne vient pas.
cette annonce me choque un peu mais j'ai vite appris que dans la vie c'était comme pour les sacs, il fallait tout prévoir, le pire du pire comme le meilleur. le pire ç'aurait été qu'il ne vienne pas, le pire c'était ça et il est arrivé. j'étais à moitié préparée, sur le coup j'ai aimé ma prudence, mon expérience de ces choses-là, je ne connais plus du tout l'enthousiasme, l'excitation aveugle, mon impatience de le revoir a été sage et non satisfaite.
avec matthieu on parle d'autre chose, on parle très vite pendant, oh je sais pas, 10 minutes, un peu moins, on est très à l'aise, on a des choses à se dire, d'abord nos acouphènes, puis l'amour, puis la première partie du concert, puis sauce blanche et les projets pour le temps qui nous reste.
on rentre dans la salle, c'est obscur et le bruit est violent, des sortes de râles. c'est le groupe Evangelista, je me suis renseignée, dans le myspace il y avait écrit "gothic", sur les photos on pouvait voir une meuf qui faisait son show, son intéressante comme ça ne se fait plus. je l'ai regardé faire et j'ai pensé que derrière la musique il n'y a que des instruments, des hommes et des sentiments, il n'y a pas satan, il n'y a pas de mystère, il n'y a pas de théâtre, il faut être soi-même, penser au public, arrêter les affectations. ce groupe c'était tout ça, 4 membres totalement tournés vers eux-même, qui daignaient jouer pour nous du bruit que personne ne réclamait. avec Julie on vanne et on ricane comme jamais depuis le balcon.

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dans les toilettes l'eau des robinets est chaude, julie m'apprend que c'est fait exprès, que c'est pour qu'on la boive pas et qu'on aille au bar.

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l'interdiction de fumer dans les lieux publics fait que nous avons le droit de sortir dehors quand on a envie. je me souviens du sévère "toute sortie est définitive" qui était collé près des portes.
nous sortons, j'ai un peu faim alors je sors mon hot-dog fait maison qui est vraiment très bon, je lui passe celui que je lui ai préparé, j'ai glissé un mot dedans "le bonheur existe, amicalement.
Murielle",
c'est vraiment très bête mais ça nous fait doucement rire je crois, j'aime bien faire n'importe quoi.

Nous parlons, toujours contre le mur, on parle de tout, on a jamais autant parlé de tout que pendant cette soirée, on parle de tout tout le temps et ça nous fait du bien. je vis dans le silence, je vis la bouche fermée alors parler à Julie me fait plaisir. on rigole tout le temps, nous sommes très proches. quand je pense à notre relation à deux je la trouve drôle, je n'ai jamais compris l'amitié, l'amitié en primaire et au collège, les meilleurs amis, maintenant je la comprends, je trouve que c'est un truc finalement assez naturel, c'est ce qui doit se passer quand il n'y a ni la haine ni l'émulation, quand il y a la bienveillance et l'oubli de soi, c'est le partage le plus pur, c'est vraiment très noble et très beau.

sur nos portables nous avons le même fond d'écran, on rigolait un peu en le mettant mais finalement il m'attendrit toujours autant, c'est une photo qu'on devine prise à notre insu, ce sont d'ailleurs les meilleures photos. on dirait deux petits chats. je voulais faire une sieste et finalement je la regarde écrire dans mon agenda.



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après les hot-dog on remonte au bar, on attend que cette mascarade gothique finisse, je lui demande si elle veut boire un truc, les boissons sont vraiment abordables, ça dépasse pas 3,50€, ça me donne envie de casser mon billet de 10 euros. je lui paye une bière et moi un coca light.
la première partie finie on cherche et trouve deux places au fin fond de la salle, tout à fait dans l'angle, le truc dont personne ne veut, franchement on s'en fout et on voit plutôt bien à partir du moment où tout le monde est assis.

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le concert se passe bien, en une heure et demi, immobile et debout, on domine tout le monde et personne ne le sait, il y a ma soeur dans la salle, il y a matthieu, il y a plus que mecs que de nanas, les mecs sont beaux, avec des sweat à capuche et de beaux habits, de belles baskets, les quelques filles sont classes, tout le monde se tient bien.
Yoni le chanteur fait remarquer que la salle est très bien, c'est la première fois que j'ai aussi envie de dire qu'une salle est parfaite, derrière le groupe il y a un mur de pierre immense, le public est installé comme dans une salle de cinéma avec une petite fosse au pied de la scène. l'endroit idéal.

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on sort de la salle, dehors je croise Yann, c'est un mec que j'ai connu sur le t'chat #musique de voila il y a plus de 4 ans, c'est le contact msn éternel, je le vois me parler encore de sigur ros et de mum. je l'ai jamais vu, hier encore il me disait qu'il n'allait pas venir, aucune idée de comment il a fait pour me reconnaître, je sais qu'il n'a pas de photos récentes de moi et je sais que j'ai énormément changé, comme c'est pas permis. je lui fais la bise, je trouve que c'est une bonne surprise, je suis dans un jour où c'est le moment de me croiser par hasard mais je n'aime pas imposer mes discussions à Julie alors j'écourte la scène, je lui dis "bonne soirée", je ne le reverrais probablement jamais.

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on marche on marche, les lumières des restaurants qui se font face s'entrechoquent, se répondent, on passe sous elles et on dirait qu'il fait jour, c'est vraiment trop animé, ça nous met en joie, après je dis "ah mais demain c'est férié c'est pour ça" alors on traite un peu les gens.
On va au café Bastille, dehors près du chauffage, moment parfait, on regarde ce qu'on nous donne a regarder, les beaux gosses du concert qui prennent le métro, les couples et les minettes. Ici le café est à 3,90€, le coca dépasse la barre des 6€, ça nous rend euphorique. je sors mes pièces, je ne sais pas combien j'ai, combien je dépense, je pose les pièces sur la table ronde, je donne l'argent de poche au monsieur. je sais qu'un jour j'aurai besoin de cet argent mais je décide de ne pas y penser.
elle me dit qu'il y a un match de foot important, je lui répond que ça doit être pour ça que baptiste n'est pas venu, je lui dis qu'il aime le foot. j'ai repensé à son absence, j'ai repensé à son mail d'une phrase qui répondait au mien qui constatait qu'on serait au même concert , de son "j'ai ma place", je sentais que c'était un mensonge.
pendant qu'elle se rend aux toilettes j'en profite pour penser à A.. je vais bientôt lui faire signe, lui dire qu'on doit se revoir parce qu'il reste une image du bonheur, la moins éloignée de mon présent et que de façon assez naïve je vais tenter de revivre la journée que nous avions passé ensemble et dont je ne pense pas avoir parlé.

elle revient et elle se rasseoit, je lui montre ma lecture du moment "Generation Chaos" une histoire romancée du punk et de la new wave, un truc qui m'intéresse plus que mai 68 qui commence un peu à m'exaspérer. je vois bien les débats, je vois bien comment on exploite le filon mais même les acteurs de mai 68 commencent à trop se montrer, à trop s'attribuer les mérites, je revois le mec d'lci gueuler "ils se prennent pour les poilus de 68", je me revois sourire devant la télé.
elle me dit que quand elle a parlé de mon anniversaire à son père il lui a dit"elle aime la musique, tu devrais lui acheter un livre sur le punk qui vient de sortir", elle réalise que c'était celui-là. on hallucine trop.

ensuite, ensuite on fait des blagues sur l'addition, julie dit un truc drôle, elle dit "j'comprends qu'y'est pas la carte", on parle de l'amant de Duras, elle n'a pas aimé, je pensais pas l'aimer autant. on parle et on se répond commes les gens tout autour de nous, c'est le jeu des adultes, je me revois regarder mes parents discuter avec des amis au salon sur le canapé et les fauteuils en cuir rouge, ils parlent libanais, les jambes croisées, tantôt détendus, tantôt graves, je les trouve ennuyeux à mourir, je sais alors que je me sentais incapable de faire comme eux, ni à mon âge ni maintenant.

je me relis, je vois la place que ça prend et le temps que ça prend aussi, environ 3h30, je ne n'ai jamais consacré autant de temps à une activité, je me prends la tête dans la main, je me dis que j'écris trop, ça me choque.