lundi 8 décembre 2008


Ce n'est que depuis mon lit que j'ai le sentiment de contrôler le monde: livres, ordinateur, coca, télécommande télé + chaine hifi, couverture, George l'ourson fluo, c'est depuis ce rectangle moelleux mais ferme que quand le week-end arrive je me "ressource", comme aurait pu le dire une mauvaise pub Center Parc. Dehors il fait froid et on s'ennuie dans les transports, ici il fait chaud et on apprend des choses, on poursuit des lectures, le frigo n'est pas loin, internet est une mine insensée. J'ai passé une bonne partie de mon week-end dans mon lit, à regarder d'anciens "Ce soir ou jamais" en pensant à ce qu'on aime à appeler "la télé du futur", l'émission de vendredi dernier tenait du buzz : Catherine Deneuve en invitée, suivi du groupe Justice, un groupe d'electro assez connu, Romain Gavras et So_me leur graphiste, une confrontation qui sur le menu intrigue énormément. J'ai aussi continué la Tache et le Jourde et Naulleau que BibliObs et Dimitry m'ont fait découvrir presque simultanément il y a quelques semaines. Le ton du livre me fait penser au deux bouquins sortis chez Scali avec un an d'écart et dont j'ai toujours voulu parler sans en trouver le lieu : le premier Petite encyclopédie de la vie merdique en Grande Bretagne, et le deuxième La merde mondiale, lus pendant les grandes vacances 2007 et 2008. Je cherchais pour mes vacances des livres joyeux tout en voulant éviter livres de blague et BD sur les blondes, des essais divertissants mais pas débiles. Fût un temps où la maison d'éditions Scali en sortait beaucoup jusqu'à qu'elle s'abaisse à publier le livre de la mère de Houellebecq et un livre sur N.S. et C.B., ah et aussi les livres de Boris Bergmann, mais ne nous énervons pas.
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Monsieur Delmas nous a conseillé en milieu de cours de lire "Et si c'était niais?", quand il commence à digresser le plus souvent il s'autorise à ne finir qu'avec la fin du cours. Il s'est ensuite moqué de Christine Angot comme le font 99% des hommes qui ont essayé de la lire. Le cours de littérature contemporaine se poursuivait : il nous a raconté qu'il passait tous les jours devant le Flore et que l'autre fois il avait vu frédéric bgbd en terrasse, essayant de voir si les gens le reconnaissaient, "j'ai dit au Flore, c'est Bgbd ou moi. Depuis, je bois du café soluble...et je pleure", parodiant en même temps Angot. C'est entre deux reprises de souffle que je lui ai parlé du Jourde et Naulleau, il m'a demandé de lui écrire le nom sur un bout de papier, en le lui tendant Alexia a dit "elle vous a écrit son numéro". A plusieurs reprises je l'ai vu ne pas rigoler à ce genre de blagues d'abord innocentes et qui deviennent délicates et gênantes quand il décide de ne pas en rire. Depuis le début de l'année, que ce soit de la bouche d'Alexia ou d'Augustin chez qui c'est devenu une tradition, ces blagues m'ont toujours concernée, me prenait toujours pour cible, jamais il n'en a rit, il a toujours fait en sorte de les ignorer et ça me faisait me poser des questions, n'importe lesquelles.
- On peut se dire que voila un sujet sur lequel Delmas ne rigole pas et tient à être clair, on ne mélange pas élève et professeur, toutes allusions en devient alors douteuses, dangereuses.
- On peut aussi se dire que Monsieur Delmas a déjà eu des problèmes avec ça et que ces boutades ne font que lui faire revenir douloureusement à l'esprit quelque chose qui ne peut que s'oublier totalement ou réapparaitre violemment, sans juste milieu.
- Enfin, on peut aussi se dire qu'il est au courant pour tout ça, mon blog, mes sentiments, et que ça le gêne énormément et qu'il préfère ne rien faire paraître parce qu'il ne sait toujours pas comment réagir, comment gérer ma connerie.

A partir de là, le lundi en noir et le mardi en bleu

Tout à l'heure la proviseure nous a convoqué Lucia et moi, les déléguées de la classe. Elle voulait nous demander de remercier l'ensemble de la classe pour l'aide apportée à Sophie, une fille de ma classe qui pour des raisons qui lui appartiennent n'arrivent que trop difficilement à prendre ses cours. Ca m'a fait raté une demi-heure de géo, la proviseure s'est beaucoup trop épanché sur son cas, dépassant largement les limites de la décence, frôlant la confession. Les proviseurs parlent toujours trop, je me souviens qu'au collège Monsieur Valette était une putain de pipelette, que rien ne pouvait l'arrêter sinon lui-même ou la sonnerie annonçant la récréation. Plus il parlait plus ça le rendait sympathique, voilà le seul avantage qu'on pouvait y voir. Je me souviens aussi qu'en 3ème il m'adorait et avait sa façon à lui de me considérer comme une sorte de personne à qui il pouvait parler normalement, un peu moins qu'une égale. Bref, la proviseure était bavarde et à partir du moment où j'avais compris la raison de notre venue j'avais du mal à dissimuler mon impatience face à ses papotages superflus, j'ai essayé de me faire violence et de me dire : "ne pense pas qu'à toi, écoute ce qu'elle dit, tu es déléguée, rater un autre cours ne t'aurait rien fait, tu rates un cours de géo et non pas un rendez-vous avec Delmas", mais les faits étaient là : Monsieur Delmas me manquait, je ne le verrais plus que jeudi au moment du conseil, la proviseure me retenait pour rien.
A l'idée que la torture morale prenne fin j'ai été particulièrement souriante au moment de partir, j'ai dit plusieurs fois "bonne journée", plusieurs fois "au revoir", et il n'y avait plus que Lucia qui me retenait de courir jusqu'en salle 208, courir m'installer à côté de Julie, l'écouter, le fixer jusqu'à ce qu'il me regarde, mourir devant ses petits yeux polonais, partir à contrecoeur, tout ça.
Avant de s'installer on a parlé à la classe, debout à côté du bureau, on a dit "la proviseure vous remercie" et les choses qu'il fallait dire. Sophie n'était pas là, à chaque fois qu'on a besoin de parler d'elle, de faire le point sur sa situation elle n'est jamais là, c'est fou. Je me suis assise, Julie m'a dit "j'ai plein de trucs à te raconter", comme à chaque fois que je rate quelques minutes du cours de Delmas et que des choses se sont dites sur moi. Cette phrase m'excite plus que de raison, elle me susurre cette phrase et elle ne dit plus rien ensuite. L'envie de parler est trop forte mais les choses doivent être rapportées clairement et fidèlement alors on a pris l'habitude de communiquer par écrit au crayon à papier. Le plus souvent ça se passe dans la marge de mes cahiers, on écrit de sorte à ce que l'autre ne voit pas ce qu'on rédige jusqu'à que ce soit fait jusqu'au bout puis on fait pivoter le cahier pour que la personne puisse lire, on attend une réaction, on dit "t'as vuu". L'histoire, allant de Julie à moi va maintenant de moi à vous :
J'avais prêté mon cahier de philosophie à M. Franck, mon prof de philo, il l'a passé à Monsieur Delmas pour qu'il me le rende. En classe Augustin lui a demandé ce qu'il faisait avec mon cahier de philo, ajoutant "elle l'a laissé chez vous". A ce qu'il paraît la classe a pété de rire, lui s'est appliqué à ne rien exprimer malgré le sous-entendu bien gras qui aurait dû le faire réagir, à la limite le mettre en colère. J'étais donc rentrer en classe avec une sorte de petit statut de victime, la classe partageait un secret à mon sujet. Il est rare de savoir ce qui se dit de nous en notre absence et Julie m'a raconté la chose avec un sens du détail que ce genre de situation réclame, quelque part elle m'aide dans mon amour et dans les choses que je rate et qui s'y rapporte. Lundi elle l'a vu fumer devant le lycée et elle m'a dit "il est beau", je lui ai demandé "ah ouais tu le trouves beau?" elle m'a répondu, "nan mais je me mets à ta place et je le trouve beau". J'ai trouvé ça parfait, c'était tellement compréhensible. Je suis sortie de la classe, Augustin et Marie-Laetitia se sont jettés sur moi, "j'ai fait une blague pendant le cours, je suis désolé", "ouaais je suis au courant, c'est pas grave". Dehors il neigeait, ce qui nous a fait hésiter au moment de sortir nos têtes sèches du préau, Marie et moi étions excitées, Julie blasée comme une adulte, seulement l'excitation n'a duré que le temps d'un flocon sur une plaque chauffante et une fois seule à Courbevoie j'ai considéré la neige se posant sur mon écharpe rouge comme un évènement d'une beauté simple et silencieuse. Une neige avec laquelle je n'avais pour une fois pas envie de jouer.


Monsieur Delmas a réussi à caser furtivement, toujours en milieu de cours, qu'après avoir lu ce que je lui avais envoyé sur Florian Zeller il avait demandé à sa compagne de lui acheter le Jourde et Naulleau. Julie et moi n'étions pas assises à nos places habituelles, c'est à dire tout devant à droite mais deux rangées en arrière, ça nous destabilisait carrément, on payait pour le caprice d'Amélie et Lucia qui avaient décidé de voir ce que pouvait être la géo depuis nos places. J'étais dégoûtée, et c'est depuis ce qui me semblait être le fond de la classe que je lui ai demandé "c'était drôle hein?" il a acquiesé avec cette tête presque nostalgique du moment où il avait rit, je l'avais prévenu dans mon mail "c'est à se rouler par terre" sans avoir l'impression d'exagérer mais en insistant bien pour l'inciter à cliquer sur le lien. Ca avait donc marché, il n'avait pas répondu à mon mail mais il m'avait lu et il avait même acheté le livre, j'ai mis du temps à m'y faire, je mets du temps à m'y faire. Ensuite on avait deux heures pour manger et Marie nous invitait chez elle pour la première fois, on a mangé des pennes dans le salon avec de l'eau dans des verres en plastique, les filles ne voulaient pas de la télé en mangeant, on a dû se contenter du tintement des fourchettes et de nos discussions, du gros chat obèse qui passe ses journées seul, je me souviens plus de son nom mais Marie l'appelle "Choupette" alors qu'il mériterait de s'appeler Edouard ou Socrate. Pour le dessert on a eu droit à des cookies-brownies Carrefour. Quand tu vas chez quelqu'un il y a toujours plusieurs produits venant d'un même supermarché/hypermarché, par exemple je sais que chez moi la plupart des aliments de base viennent de chez Auchan, la famille de Marie était donc une famille Carrefour. Toujours se méfier des familles Monoprix.
Retour au lycée pour le sport, nous portions toutes ce même jogging féminin et informe pourvu d'aucun élastique aux extrémités du bas, vendu la plupart du temps bleu marine pour ne pas trop nous dépayser du jean. Au handball on s'est donné comme qui dirait "à fond", jusqu'à que de l'eau apparaisse sur nos membres, j'ai cru mourir d'une crise cardiaque juste au moment où Cécilia me proposait d'aller au goal. Augustin était planté derrière le but, il me parlait de mes notes de géo, je lui ai dit que j'avais eu deux 14/20, il m'a répondu "aah c'est bieen", je lui ai dit "ouais et toi t'as eu un 17...aaah c'est bieeen hein" ironiquement, puis je suis retournée empêcher la balle de toucher le filet, c'était ma mission, peut-être qu'Augustin me matait les fesses, je crois que les mecs font ça même si ça m'a toujours semblé bizarre, inutile et source d'aucun plaisir, je dis ça parce que j'ai essayé.
Monsieur Delmas corrige très lentement mais vendredi il s'est fêlé deux côtes en voulant éviter d'écraser un chat et n'était pas venu en cours, l'annonce de son absence m'avait démoraliser comme jamais. Il m'avait écrit la raison de son absence dans un mail qui m'informait de sa présence lundi et que je devais communiquer au reste de la classe. Au début je pensais à un chat qu'il avait voulu éviter en voiture jusqu'à ce que Julie me raconte que non, c'était chez lui, et donc "à pieds", et qu'en plus de ça il avait eu droit à une semaine d'arrêt maladie qu'il ne comptait pas prendre. C'est à ce moment précis que je me suis demandée quand est-ce que ce type comptait arrêter d'être si parfait, si bouleversant, parce que moi ça me bouleverse.
Je suis rentrée en bus avec Marie, il faisait nuit, j'étais très très fatiguée, ce qui me rendait toute sensible à l'environnement extérieur, aux guirlandes de Noël qui faisaient comme de gros colliers en or dans le ciel, je pense avoir déjà tout dit des guirlandes de Noël. Marie s'est acheté une baguette, je me suis mise derrière elle pour ne pas passer pour une cliente au regard de la caissière. J'ai regardé les gâteaux et les tartelettes, leur prix me semblait raisonnables et Neuilly plus sympathique. J'ai demandé à Marie avec quoi elle comptait la manger, elle m'a répondu "avec de la soupe potiron/carotte", j'ai dit que c'était pas bon. "Et tu vas manger la baguette toute seule?", elle m'a raconté que certains midis elle mangeait toute la baguette à elle toute seule : elle se faisait deux hot-dog et le reste elle le mangeait avec du beurre. J'aurai pu passer la soirée à l'écouter parler de ses habitudes alimentaires. En rentrant elle comptait se faire un grand verre de lait, je lui ai dit que c'était mignon, elle m'a retourné la question, que comptais-je faire : "bah moi, mmh, prendre une douche, dormir, et puis aussi boire du coca".
Fidèle à mes propos, après ma douche j'ai effectivement bu du thé et du coca, il me restait un peu de mousse de gel douche sur l'orteil. Je me suis endormie à 19 heures pour me réveiller vers minuit en partie à cause de la lumière de la lampe de bureau qui m'éblouissait et parce que j'avais enfin besoin d'évacuer les litres d'eau bus pendant le sport et qui m'empêchait de dormir sur le ventre, je suis allée manger un yaourt à la fraise et une orange, et je me suis rendormie jusqu'au lendemain. Je comptais porter mon nouveau haut en mousseline blanc crème à motif cerises. Ma soeur se demande encore comment je fais pour trouver des trucs pareils chez H&M, Julie le trouve horrible.

The Doors - Wishful Sinful