mercredi 30 juillet 2008



quand je sors toute la journée, quand je ne reviens que sur les coups de 22 heures, je me sens bien, je ne suis pas déprimée, je suis de bonne humeur et l'essentiel est là. la vie n'est peut-être pas une aventure mais elle reste quelque chose de vivable, presque à la hauteur de ses promesses, de ses trois lettres qu'on célèbre autant que celles de l'amour.
j'apprends à apprivoiser ma solitude, pas besoin de calcul pour me rendre compte que dans une vie il y a peut-être 50% de sommeil mais aussi, à mon avis, 70% de solitude, enfin ça varie mais à vue de nez je dirais que 70% serait mon chiffre, un peu comme les 70% de la surface de la terre recouvert d'eau, la solitude est donc un océan, calme, triste, émouvant et inspirateur.

il y a beaucoup à faire sur paris, il suffit d'un minimum d'organisation, d'un pariscope et on peut se débrouiller. mais ça reste du murielle, c'est à dire qu'on ne sort pas avant 15 heures, qu'on ne sait pas trop ce qu'on fait à l'avance, qu'on descend du métro quand on en a assez, beaucoup de marche, des dépenses une fois sur deux pour ne pas tout liquider en trois jours, un carnet de notes qui ne s'est jamais autant noircit, et puis pas plus d'une activité par jour pour là encore ne pas tout liquider en trois jours.
hier Miroslav Tichy à beaubourg, la queue ne m'en a même pas dissuadé. j'ai pour principe de ne jamais faire la queue à partir du moment où ce n'est pas indispensable, c'est comme ça que quatre fois dans le mois je suis allée au jeu de paume voir comment se portait l'expo richard avedon et quatre fois j'ai fini à la fête foraine des tuileries, toute cette chaine humaine pour 270 photos, attendre que la personne devant nous passe à l'autre photographie pour qu'on puisse passer à l'autre, ce rythme implicite que se fixe les visiteurs, non ça vraiment ça m'embête.
pour miroslav c'était relax même si parfois on a frôlé la chorégraphie "t'attends que je finisse pour venir mater", et puis c'était court, trente minutes grand maximum même en prenant tout son temps. j'ai aussi fait l'expérience des photos prises avec le portable, même si le moyen paraît barbare et un peu trop de notre temps, ça m'a quand même bien servi et la qualité n'est pas trop dégueulasse.

ces promenades sont l'occasion de se rendre compte de la beauté de toute une partie du monde chaque jour offerte à mes/nos yeux, et quand ce n'est pas de la beauté les choses restent tout de même émouvantes de vérité, de réalisme.
se sentir connecté, suivre ce qui se passe, dans les musées, les salles de cinéma, les nouveautés en matière de livres de poche et les travaux sur les lignes de train, connaître tout ça me donne le sentiment d'appartenir au monde, de ne plus être exclue. Avec les villes (et même avec énormément de chose) ça a toujours été mon problème, l'impression que rien n'était fait pour moi, ni les parcs ni les terrasses de café, ni les strapontins dans les métros, l'étiquette visiteuse tatouée sur le front, ma place nulle part et l'impression que tout le monde le savait. maintenant ça va, je commence à comprendre comment les choses marchent, j'arrive à commander un cappuccino dans une sandwicherie, à sympathiser avec des vendeuses, je me sens au coeur de la ville et de la vie ("dans ville il y a vie. Monoprix"), je suis la badaude curieuse qui regarde avidement les restes d'une scène d'accident de scooter sur le trottoir d'en face, la sensation que la ville et ses services me sont dus.

Il y a quelques semaines j'étais tombée sur un de mes innombrables journaux intimes, avant les blogs j'écrivais sur du vrai papier, ça disait quelque chose d'intéréssant,
ça disait comme quoi quand je marchais dans la rue j'actionnais un bouton "invisible" et que j'arrivais à me sentir parfaitement invisible aux regards de la rue et de ses passants, je crois que le secret est là, pour être tout à fait à l'aise dans une ville il faut savoir se sentir invisible. J'ai toujours eu trop conscience du mobilier urbain, des espaces intimes que pouvaient cacher les façades haussmanniennes, de l'hostilité inhérente à toutes grandes villes, des passants qui comme moi se débrouillent pour balayer tout le monde du regard et faire le tri entre les personnes qui leur plaisent et les autres. beaucoup trop de choses qui se passent en même temps, beaucoup trop de choses soumises au hasard, beaucoup d'espèces qui tentent tant bien que mal de cohabiter ensemble : voitures, piétons, vélos, camions, chiens, bus, taxis, pigeons, scooter, motos, arbres. tout ça relève du miracle, la ville est un miracle, l'énergie à l'état pur, je pense à la place privilégiée qu'elle a au cinéma.
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le métro est une fête,
je repense au mec qui était devant moi sur l'interminable tapis roulant du métro Chatelet
cheveux brun en bataille
chemise noire aux manches retroussées (même matière et portée comme A.)
pantalon de couleur bleu de travail (paraît-il que c'est à la mode)
moleskine à l'élastique ouvert dans sa main droite, prêt à écrire quelque chose
c'est surtout le moleskine qui m'a convaincu que ce type me plaisait, je n'ai même pas vu son visage, je ne pourrais jamais, même un tout petit peu, m'approcher en imagination de la réalité de son visage. quant au reste, "histoire impossible" et "amour perdu à jamais" on finit par s'y accomoder comme s'il s'agissait de règles douloureuses.
les mots qui me viennent à l'esprit sont que le métro est une suite de tentatives, d'avortements et d'intimidations, que tout y est sous pression, que tout le monde se plait ou se hait viscéralement sur des bases assez discutables mais humaines. être enfermé avec des inconnus et trimballé à travers paris relève de l'aventure seulement plus personne n'en a conscience et la loi du plus fort a une fois de plus triomphé : le métro ne sera donc plus une aventure mais une salle d'attente mobile et le lieu de toutes les impatiences et de toutes les fatigues.

dimanche 27 juillet 2008

La traversée de l'été - Truman Capote

j'avais pourtant dans la tête une phrase d'A., peut-être lui ne se souvient-il pas d'une seule chose que j'ai pu dire mais moi je me souviens de tout comme de mon film préféré.
je lui montrais mes ongles, coupés à ras (souvenez-vous des ces ongles que je coupe à ras) il me disait que c'était pas bien, qu'il fallait les laisser pousser, que les ongles et les cheveux ça faisaient partis des attributs de la femme qu'il fallait justement mettre en valeur.
c'est ce genre de phrases qui à mon avis peut le résumer, si possible insérer de la beauté dans tout ce qui nous entoure, des fleurs dans tous les interstices, j'aime bien l'idée que le laid lui soit insupportable, exaspérant.

la dernière fois on avait parlé de lui avec P., je lui ai dit que j'imaginais A. fonctionnant comme Houellebecq, totalement déçu des gens, rempli d'amour mais beaucoup trop déçu, j'irai ici plus loin en disant que c'est ce dégoût et cette déception qui sont à l'origine de l'acte créateur, la musique pour A., et quelle musique..., et de l'écriture pour Michel, et quelle écriture...
Une déception, mais quelque chose de fort, d'assez violent, parce qu'au fond nous sommes tous comme ça, "déçu par les gens", c'est comme tout, tout le monde peut se proclamer "timide" et "gourmand" et "généreux" comme "égoïste", mais pas "maladivement timide" ou "maladivement égoïste", c'est ce maladivement qui fait la différence, nous sommes tout de façon modérée. Maladivement déçu.

donc une déception énorme, quelque chose d'aussi amer que le café libanais. P. m'avait alors répondu que Houellebecq était comme ça mais pas A., et puis après, trou noir, impossible de me souvenir ce qu'il m'avait dit sur A., pourtant j'étais d'accord mais ça m'échappe et je veux savoir parce qu'il y avait sûrement là une clé. Donc A. n'est pas "déçu des gens", il est autre chose, je redemanderai à P.

si ça ne tenait qu'à moi au lieu des initiales je divulguerais le nom, le prénom et le numéro de téléphone ainsi que la photo des personnes que je cite.

alors il m'avait dit ça, sur "les cheveux et les ongles", ça m'avait tellement marqué qu'à plusieurs reprises j'avais laissé s'épanouir mes ongles, ça montait vraiment très haut, il ne les a jamais vus. j'ai des doigts pas mal pour ces choses de filles, mes mains ont quelque chose d'assez noble, mais cette noblesse s'arrête au poignée, après c'est une autre histoire beaucoup plus compliquée qui commence.
les ongles longs, les cheveux qui commençaient à le devenir, milieu du dos sans même lever la tête pour tricher.
et puis en rentrant de ma séance, "Mariage à l'italienne", j'avais cette idée en tête, obsédante comme à chaque fois que j'ai envie de le faire. 10 minutes plus tard j'étais devant ma mère, les cheveux raides d'eau, brossés en arrière, tombant sur la robe de chambre bleu, le peigne et les "ciseaux qui coupent bien" entre les mains.
Ma mère déteste me couper les cheveux, elle a toujours l'impression qu'il s'agit d'un truc qui prendra des heures et à chaque fois ça prend deux minutes, "nan je suis fatiguée, on fera ça demain, à chaque fois quand tu veux quelque chose on doit le faire tout de suite, à la minute",
et à chaque fois je suis obligée de menacer "bon bah je vais me faire ma frange toute seule, ça va être bien", "je vais demander à Emile de me les couper", des choses comme ça, je le dis et je suis capable de le faire et si elle n'obtempérait pas à un moment j'aurai actuellement la tête de, je sais pas, disons Edward aux mains d'argent ou robert smith, nan encore mieux, du chanteur de human league


"je suis chiante hein?"
"trop", ponctué d'un rire qui voulait dire "tu me saoûles ma fille"

"enlève ta robe de chambre parce que là je vais te rater", puis toujours les vieilles querelles,

"fais le plus court possible,
"ah nan nan nan, je coupe un peu"
" c'est dommage quand même, de couper"
"ouais mais tu sais comment je suis je regrette jamais quand j'ai envie de couper"

c'est vrai ça, je regrette jamais, la dernière fois j'avais mis des années à avoir une longueur façon Pocahontas, et puis un jour, un vrai jour comme les autres, j'ai vu ma tête, j'ai tout détruit.

petite ruse des épaules discrètement levées pour qu'elle coupe beaucoup sans s'en rendre compte

je me retrouve avec un carré m'arrivant à l'épaule, assez courts pour que les pointes puissent se reposer dessus.
mes cheveux commençaient à devenir très secs, très fatigués, le lissage tous les jours c'était plus possible, ça n'avait pas de forme, c'était mort, affaisé. déjà que le mental l'est assez, le physique ne doit pas suivre, le physique doit être kikoolol.

"après je devrais aller chez le coiffeur quand tu pourras plus me les couper"
"pourquoi je pourrais plus te les couper?"
"quand je serai grande quoi"
"mais t'es grande là"
"ah ouais c'est vrai...en fait tu pourras toujours me les couper"

après j'ai appelé ma soeur, hier encore on parlait masque pour cheveux, je lui ai dit "pour que tu sois pas trop choquée, je viens de me couper les cheveux très courts", derrière le bruit de ses amis, le chahut. "haaaan, t'es folle, ils étaient trop beaux". si je les écoutais ces deux folles j'aurais des cheveux jusque par terre et serais encore avec Baptiste.
les cheveux longs c'était bien beau mais il n'y avait même plus A. pour me les embrasser, il n'y a personne pour me faire distraitement des tresses, non décidément, tout ce que je pourrais enlever de mon corps je l'enlèverai.
improvisation

le café peut se diviser en trois parties, en trois couches, inégales et de différentes couleurs, comme celle d'un napolitain - entre nous ça fait des années que j'en ai pas mangé. L'intérieur du café, "l'intérieur" qui s'oppose à la terrasse, quand tu vas au café avec une personne, ce grand moment de liberté où aucune discussion n'a commencé, aucune commande et même pas le choix de la place, là il te demande où tu lui demandes "en terrasse ou à l'extérieur?" ou alors "dehors ou dedans?", selon vos humeurs et celle du ciel, selon le grain de ta peau (se montrer à la lumière du jour avec ce bouton...), si tu t'apprêtes à lui faire une confidence qui aurait alors besoin d'une ambiance tamisée ou de joyeux commérages murmurés à voix haute et dont chaque passant en emportera un bout, (tu peux imaginer qu'un peu plus loin les passants se réunissent pour recoller les bouts de phrases récoltées et ainsi reformer la phrase entière).

Donc l'intérieur, séparé de la terrasse par la baie vitrée, puis la terrasse, quelques tables, souvent deux chaises pour une table comme il y a deux yeux pour un nez; les chaises regardent la table. certains passants cessent leur marche linéaire et se glissent devant une table, l'espace est souvent exigu, il faut parfois faire se lever des gens, bouger des tables, des choses comme ça.
on y commande un café ou ses variantes, ou alors un soda, quelque chose avec de la fumée ou quelque chose avec des bulles.
finalement les cafés sont comme les hôtels, le décor change mais on n'y trouve toujours les mêmes choses, ils sont hors du pays, au milieu du monde, ce sont des points de repères pour chaque homme : je ne sais pas ce que vend cette boutique, de quoi sont remplis ces appartements mais je sais ce qu'on trouve dans ce café, et que j'y suis la bienvenue.

puis le trottoir, une longue bande de chewing-gum gris déroulée aux pieds des clients en terrasse, le tapis rouge, la croisette banalisée, on passe, on se dandine, on se pavane, on se presse, on se trouve bien habillé et les clients-en-terrasse, photographes sans appareil, assistent et retiennent tout cela, emportant un visage, un vêtement, une coupe de cheveux à essayer, "tiens ce sac est beau", "tiens cette fille est belle" une mèche blonde derrière une oreille, une braguette ouverte, des pieds négligés, une odeur de parfum, de vrais parfums qui durent, les chanel et les guerlain, ceux qui savent tellement bien suivre les femmes avec un petit temps de décalage, un chien invisible.

on ne parle pas de ce qui se passe sur les terrasses de café, tout ça appartient beaucoup trop au hasard, au choix spontané du client(choix de la table, de la commande, le fil de la discussion), choix impossible à prévoir et à mesurer, alors on laisse faire, on nie tout, tout ce qui se passe tous les jours dans toutes les villes du monde alors qu'il s'agit d'un véritable phénomène de société.

les trois couches du napolitain, les clients de l'intérieur regardent la terrasse qui regarde le passant qui regarde ses pieds.

jeudi 24 juillet 2008

Je me lève une première fois sur les coups de 10 heures, je ne programme même plus de réveil sur mon portable, je fais ça déjà toute l'année, depuis seulement quelques jours je m'autorise une liberté totale concernant l'emploi de mon temps et la répartition de mon sommeil.
Ensuite ne sachant pas quoi faire de mieux je me glisse dans mon lit, j'y retrouve la bonne sensation d'être allongée, les membres engourdis, l'immense journée encore entre mes mains comme une manette de nintendo moite à force d'être tenue. Là je me laisse envoûter par une fatigue de fin de matinée, sentant encore les céréales et le café au fond du ventre. Je replonge dans mon sommeil comme on se replonge dans une lecture.

Il est dans les 14 heures quand je me lève pour la deuxième fois, la joue humide (je suis désolée de vous dire ça mais je bave beaucoup en ce moment), le soleil en désordre dans la chambre, sur le visage mais pas dans le cou, sur le bureau mais pas sur l'armoire, mon corps prendre racine sur le matelas, lourd et engourdi, c'est précisément à ce moment-là, après avoir réalisé qui j'étais, où j'étais et à quelle période de l'année nous étions tous que l'envie me prend de tirer chacun de mes membres comme des crackers de Noël. l'appartement est vide, blanc de silence, personne ne me juge, ne me reproche mon levé tardif.

Je commence par la douche, gel douche à la menthe, frictions de la fleur de douche, frictions de la serviette, t-shirt propre, bas de pyjama, robe de chambre comme j'aime, bien serrée au niveau des hanches, pour ne pas qu'elle lâche à la façon d'une queue de cheval de fin de journée d'abord bien en haut de la tête et qui s'affaisserait peu à peu, ou alors une serviette attachée autour du corps et qui lâcherait d'un coup.
Puis le trio vitamines C, coca light et café, flemme de découvrir de nouveaux groupes, de vieux cd qui tournent très vite et qui font de la musique, aujourd'hui les cure, interpol et les smiths, l'ordinateur tout chaud sur les cuisses, les forums, les mails, le blog. Un coup d'oeil par la fenêtre, le soleil qui griffe de façon irrégulière la rue et les immeubles, les passants qui marchent comme dans un mauvais film en 3D qui mettrait en scène un projet de réaménagement de la ville.

P. me propose qu'on aille se boire une grenadine, la grenadine où autre chose, ici la grenadine connote le goût sucré de l'insouciance, des vacances et de la jeunesse, il veut que j'accepte, il vent bien sa proposition. Ça fait tellement de temps qu'on a envie de se voir, à chaque fois il se passait quelque chose : la pluie, ma mère qui vomissait, trop tard, trop tôt, ça semblait compliqué et aujourd'hui on a rusé pour que ça se fasse le plus discrètement possible pour ne pas qu'un autre désistement nous rattrape.
Un polo bleu marine, un jean, les Repetto lamées rouge que ma soeur ne porte plus, une veste rouge vif taille 42 acheté 7€ en soldes il y a quelques années chez h&m. à Eastbourne un mec dont j'étais un peu amoureuse m'avait dit "c'est quoi cette imitation de perfecto?" ça m'avait choqué qu'il soit aussi méchant, surtout qu'elle ne ressemble en rien à un perfecto, les perfecto c'est tout hideux, immettable, la mienne à la classe, la matières est molle, je retrousse les manches. le cabas en nylon bleu marine, plein à craquer pour une raison que j'ignore un peu, le nylon allège considérablement le poids d'un sac.

je prends le train direction saint lazare, on approche des 30°C, je me souviens de la sensation que me procure un 30°C dans l'air, j'arrive à m'y faire, je me décide à mettre mes lunettes de soleil, j'enlève mes wayfarer et j'enfile des ray-ban pilote que j'ai depuis 4 ans et que je n'ai porté qu'une dizaine de fois dans ma vie, sur ma terrasse, au bord d'une piscine pour la lecture et pour pouvoir juger un peu du corps des nanas en maillot sans se faire prendre.

"les avrils ne m'ont jamais dit grand-chose. Les automnes semblent la vraie saison des commencements, les vrais printemps. Ainsi pensais-je, assis avec Holly sur les barreaux du porche de l'embarcadère. Je pensais à l'avenir et parlais du passé, car Holly voulait tout savoir de mon enfance"

le métro, je n'ai toujours pas retenu la correspondance à faire pour me rendre à rambuteau

"Elle tomba à genoux, tâtonnant sous le lit. Quand elle eut trouvé ce qu'elle voulait, une paire de souliers de lézard, elle se mit en quête d'une blouse, d'une ceinture. Il y avait de quoi s'émerveiller de voir qu'émergeant d'un tel fouillis elle pût réussir à donner son impression habituelle de soin, de perfection sereine, comme si elle sortait de la main des esclaves de Cléopâtre."

je suis à arts et métiers, quelque chose qu'avec le recul je juge encore incroyable s'est produit.
j'attendais le métro sur le quai, le livre à la main, le métro d'en face arrive, je lève la tête pour une raison que j'ignore, je regarde les passagers pour une raison que j'ignore, mon regard accroche un corps dans un polo vert salle de bain, le visage est difficilement reconnaissable de si loin, mon cerveau travaille plus que d'habitude, cherche dans sa base de données. C'est X.
un incompréhensible magnétisme le fait 1) me regarder, 2) me reconnaître
une soudaine lueur traverse son visage qui était d'une neutralité dans les traits propre à tout passager, à tout passant.
le choc de l'imprévu, il me fait de larges coucous de sa main aux doigts écartées, je les lui renvois avec un sourire qui devait être timide, embarrassé par le hasard, mais c'était beau et maintenant j'y repense encore avec de la joie dans le coeur, tomber par hasard sur une connaissance, j'aime tellement ça, surtout quand il s'agit de X. Sur le trajet qui mène du métro Rambuteau au gros pot doré qui se trouve devant Beaubourg je sautillais en tapotant un texto à X. pour lui dire ce que je lui aurai dit si j'avais pu lui parler
"trop coul le polo. figure toi que je suis en chemin pour voir ta copine P. bisou"
brièveté mêlée d'humour, bien joué cocotte.

16h50, P. est assis au pied du pot, je ne l'ai jamais vu ni en photo ni en dessin mais je le reconnais, je ne veux pas trop m'étaler sur ce qu'il s'est dit, dans ces cas-là c'est dur de ne pas faire appel à un microphone. Disons que nous étions à l'aise et nos discussions étaient longues et intéressantes, je portais mes lunettes de soleil, ça masquait mes yeux et ma timidité, nous étions dans le café près de la fontaine rigolote à côté de beaubourg, au soleil et bien isolé du reste, au début je trouvais que je disais de la merde, après ça allait, j'étais en confiance, j'arrivais à avoir des idées, à rebondir sur ce qu'il disait, je n'avais pas le cerveau trop paralysé.
Au cours des heures passées à ses côtés il a dû repéré mon manque de confiance en moi pourtant bien dissimulé parce qu'il m'a dit tout à l'heure dans un message privé d'avoir confiance en moi. C'est un brillant interlocuteur, aux acquiescements protecteurs, aux réflexions importantes, les sujets de conversation étaient illimités, globalement nous ne nous connaissions pas et une évidente liberté de paroles émanait de ceci, mais d'un autre côté nous nous connaissions assez pour parler de beaucoup de choses que nous avions en commun. le cinéma, la littérature, nos goûts respectifs, le forum et les personnes que nous avions rencontrées en vrai, internet, mes études et les siennes, les musées et les expositions du moment, la musique, les magazines, les notations de film et les journalistes, tout ces sujets plutôt communs mais abordés sur un ton neuf et différent de celui que je peux avoir avec mes copines, avec d'autres personnes. On en parle, on ne calcule pas, on épuise le sujet, on racle le pot de yaourt, et on passe à autre chose ou alors on passe à autre chose et on l'épuise après, on revient dessus.

Il était quoi, 19 heures quand nous étions déjà dans un autre café, des breakdancers avaient envahi le silence et l'espace près de la fontaine, on ne s'entendait plus, un public s'était formé et du coca light j'étais naturellement passé au cappucino, je commande rarement autre chose, je n'ai qu'à me demander si je veux du froid ou du chaud pour trancher. On se lève pour partir, là encore, paf, je croise B. avec deux de ses amis, A. et C., il habite pas loin d'ici, je fais la bise à tout le monde, présentations mutuelles, il me dit qu'il est trop content de me revoir, ça me choque, non ça m'interpelle, disons que j'ai retenu et que ça m'a touché.
vous croyez être oubliée et abandonnée et puis une journée comme celle-ci se déroule comme de la barbe à papa sur un bâton, divinement bien. les heures se parsèment de rencontres imprévues, de gentillesse, de bienveillance et d'amitié dans les regards et les paroles. vous n'êtes peut-être pas à la hauteur, vous foirez certaines répliques mais vous êtes touché au coeur. Il me dit qu'il a justement lu mon blog aujourd'hui, il a dit un truc assez drôle "j'ai vu plein de livres", rapport à la photo en bas. je lui dis de passer une bonne soirée, il me dit qu'on peut plus trop se voir à cause de b., je lui dis qu'on s'en fiche, j'avais pas la tête à penser à autre chose qu'à ce que je voulais.

on marche vers le métro, j'avais pour projet d'aller voir "Ariane" en plein air à la Villette avec ma soeur mais comme souvent le déroulement des évènements a pris des directions insoupçonnées et j'ai vécu ce genre de moment où la soirée était encore étalée devant moi comme un long et épais tapis rouge qu'il fallait traverser, je jouissais intérieurement de ce que je m'apprêtais à vivre, P. appelait X, on allait manger ensemble et on allait même chez lui, P. le lui a annoncé de façon assez drôle, "tu t'imagines bien que j'emmène avec moi la propriétaire de ce portable"

direction belleville, la marche et le bus, je ne vois rien passé, je ne me souviens de rien, je sais juste que je parlais encore de salinger, qu'on parlait de la mémoire, ", "j'aurai voulu avoir une mémoire de bâtard, te citer des passages entiers, avoir les moyens d'être une intellectuelle", "j'ai l'impression que notre mémoire nous prédestine à quelque chose", "tu crois qu'ils les retiennent comme ça? nan ils les récitent 50 fois", "moi j'apprenais des passages entiers de racine" "et tu t'en souviens?" "alors là...", "d'un roman on en retient qu'un arrière-goût", "mais exactement", "c'est sûr que t'aimes pas salinger", "pourquoi à ton avis j'aime pas salinger?" "parce que c'est trop dans les sentiments, dans le ressenti mais tu vois salinger c'est un peu comme dostoievski il fait genre il te balance une remarque comme ça et toi tu te prends une grosse vérité dans la gueule mine de rien", "moi ce que j'aime dans salinger c'est la solitude adolescente, parce que tu vois y'a quelque chose de stylé, un enfant solitaire t'as envie de le prendre dans tes bras, y'a encore de l'espoir devant lui, alors qu'un adulte solitaire te dégoûte", "je vois rien sans mes lunettes, j'ai la vue d'un grand-père", "t'as combien?", "je sais pas, je retiens pas, mais par exemple là je vois pas ce qu'il y a marqué sur le panneau là", il baisse ses lunettes, "ouais moi non plus", "celui là non plus", "ouais pareil", "celui là non plus", "pareil, on a la même vue de merde", "avant je me disais que j'aimerais porter mes lunettes toute ma vie et puis maintenant je trouve qu'elle me dénature le visage", "oui c'est vrai, bah moi tu vois j'avais une super paire et puis la dernière fois j'étais tout content, j'étais en train d'ouvrir une bouteille de champagne (rire de "j'ai déjà compris la chute") le bouchon m'explose les verres", "t'as eu mal?", "nan mais j'ai flippé", "des bouts de verre qui te rentre dans les yeux", "ouais voilà, mais nan j'ai pas eu mal".

miroir dans le hall, je ne porte pas mes lunettes, j'ai oublié de les remettre et je suis mieux comme ça, l'ascenseur, je n'ai pas trop peur, je n'ai pas le temps d'être excitée, intimidée, il ne se passera rien.
T. nous ouvre, je lui fais la bise, "t'as vu c'était fou de se rencontrer dans le métro, ça arrive pas dans la vraie vie ça", la débile qui entre en scène. l'appartement est vaste, vieux parquet, moulures, tout est neuf, les murs blancs, les grandes fenêtres, l'énorme bibliothèque, tous les livres à lui, neufs et bien rangés, sa copine arrive vers nous, je lui fais la bise, j'ai retenu son "ravie", elle doit me connaître un peu, elle porte une robe grise gap à bretelles avec des rayures plus foncées, elle a son ventre rempli d'un bébé, les cheveux carrés, courts et raides, des lunettes sur le nez. X est en tongs muji, jean retroussé en bas, le polo, d'ici je peux voir le logo ralph lauren de couleur parme, et ses cheveux ont poussés, il est bien beau, reposé, un peu comme moi. Ca changeait de ces après-midi où je le retrouvais après les cours, mon corps et mon visage sans sommeil, sans repos, les traits morts, la fatigue et le métro, mon polo bleu marine lacoste et mon cardigan rouge en laine bouillie, mon manteau gris et mon écharpe bariolée de motifs de noël, le mur recouvert d'un miroir à saint-germain-des-près, le box dans lequel on était assis à montparnasse, je lui avais dit "on dirait tu sais les boxes dans les livres américains où les personnages commandent du café noir et des assiettes de frites", j'avais adoré dire ça et c'était tellement sincère parce que ça existait, chez kerouac ou bukowski ou quelqu'un d'autre. c'était pendant les soldes d'hiver, il s'était acheté une nouvelle besace en cuir assez stricte et moi aussi, la upla grise, il l'avait bien aimé et ça m'avait flatté.
On est resté chez lui jusqu'à environ 23 heures, on a feuilleté son livre "les 1001 films à avoir vus avant de mourir", on a regardé sherlock holmes sans le son sur paris première, on a écouté des vinyls, il les faisait défiler entre ses doigts, il en sortait quelques uns, il nous montrait les pochettes et on réagissait, "aaaah ouaiis", "c'est quoi?"
je crois qu'il prenait surtout des choses qui étaient censées me plaire parce que tout était bien : public image limited, talking heads, les smiths, trois des smiths, young marble giants, kraftwerk, les cure, "pornography" que lui-même m'a offert et que j'écoutais dans ma chambre tout à l'heure. j'ai réfléchi : est-ce qu'on avait déjà parlé de mes goûts musicaux? je lui ai déjà parlé de young marble giants?
on a écouté pas mal de trucs, je parlais peu, en marchant vers chez lui je m'étais promis de bien me tenir, de ne pas dire de bêtises, de ne pas parler s'il fallait passer par là pour ne pas faire de gaffe. Il y a des moments, ça m'arrive souvent quand je suis en classe et là ça me l'a refait, où je m'imagine sortir une énorme connerie, un truc super grave, une insulte qui changerait totalement l'opinion qu'on peut avoir de moi, quelque chose de gratuit, d'injustifié et d'indélébile, un aveu, et puis je suis presque à deux doigts de le faire mais pour rien au monde je ne franchirai le pas, la frontière ténue qui sépare l'intention de la catastrophe, mais j'ai déjà honte de moi, de penser des choses pareilles.

"le canapé c'est un muji", "ouais je me disais...je l'avais repéré...tes tongs aussi" "ouais", "mon polo c'est un muji", je le pince des deux doigts pour le désigner, "ah bon?"

je rigole beaucoup parce que T. est très drôle, qu'il nous fait un peu son spectacle et que nous sommes conquis, l'ambiance est conviviale et détendue, discussions de grands, paquets de biscuits apéritifs à quatre compartiments dont un seul est éventré, bières vides, les enfants imaginaires qui montent un plan pour pouvoir faire dormir chez eux les enfants des invités, je n'ai rien bu, rien mangé,
je n'ai pas faim. c'est comme ça que ça se passe quand je suis entourée de gens et que je suis un peu sous pression,
je n'ai pas faim, mon dernier repas était mon bol de céréales à 10 heures et il est 22h.

Je ne me sentais pas particulièrement exclue quand ils abordaient des thèmes pour lesquels même en cherchant très bien je n'aurai rien trouvé à dire, eux-mêmes peut-être en parlant pensaient-ils à moi, à écourter la conversation. Moi ça allait, j'écoutais et j'ai conscience depuis longtemps qu'on ne peut pas être de toutes les conversations et qu'il y a pire dans la vie que d'écouter les autres parler pendant 10 minutes, c'était curieux toutes ces histoires d'appartement, cela équivaut à nos conversations interminables sur les sujets et résultats du bac.

23 heures, on descend de l'appartement, X a troqué son polo contre une chemise, une veste et ses baskets marrons, il a enfilé sa chemise dans la salle de bains. il est habillé comme P., sa copine a gardé autour de son cou un foulard noir à pois qu'elle tripotait tout le long des conversations, elle a enfilé un gilet et son sac, des sandales dorées, je crois que ma soeur a les mêmes.
J'ai hésité avant de lui redemander mon Novövision, ça ne me dérangeait pas de le lui laisser encore, je savais qu'il était en sécurité ici, que la vie était longue. j'ai réussi à vaincre la gêne que j'ai toujours eu à réclamer des choses qui m'appartiennent, j'avais le besoin peut-être de m'éclipser tout à fait de la vie de T., de prendre mes affaires avec moi et de le laisser tranquille, j'avais l'impression là encore de gêner, aussi je me disais qu'il avait été forcé d'accepter ma présence ce soir, que s'il avait eu le choix il aurait refusé que je vienne, "ça me gêne qu'elle vienne". reprendre le livre ça voulait dire ne plus avoir de prétexte pour le revoir. j'aimerais parler de certaines choses mais cette soirée est trop récente et je préfère attendre qu'un peu d'eau coule sous les ponts, que l'histoire de cette soirée se fasse lointaine, là je ne risquerai rien.
Bien sûr son récent emménagement ne lui a pas permis de retrouver le livre, il cherchait et je lui disais "nan mais laisse tomber c'est pas grave".
en sortant, dans un soupir amical il me fait "alala petit vernis rouge...", comme si j'étais la cause de plein de choses, de soucis, qu'on revenait de loin, qu'il me pardonnait. je lui réponds "t'as vu j'ai mis ma veste rouge pour ça", "ouais j'ai vu".

Au restaurant chinois, le Da lat, pas loin de chez lui nous étions assis autour d'une table ronde, j'étais entre P. et la copine de T., T. était en face de moi, lors de nos premiers rendez-vous je lui disais que le face à face me gênait et je venais me glisser près de lui. J'ai mangé un bo-bun, P. aussi, T. a pris une soupe et sa copine une salade.
Discussions, mon silence, quelques phrases que je prononce, encore cette impression que mon corps dans cet endroit et entre ces gens est le résultat de quelque chose de très bizarre, je ne suis pas de trop mais plutôt de plus. A un moment T. s'est gentiment moqué de moi, ça m'a fait beaucoup rire mais quand j'y repense ce qu'il disait ressemblait assez à un reproche, à quelque chose qu'il n'aimait pas chez moi. là je pense à ça. je ressens aussi très fort son absence de sentiments pour moi, de n'importe quel sentiment je veux dire, un peu comme pour A., c'est assez flagrant et ce n'est que maintenant que je le remarque et que ça me fait un peu souffrir cette indifférence, parce que je suis jeune, on me traite comme un chat.

On se quitte vers 00h15, je marche jusqu'au métro avec P. à côté de moi, je devrais revenir sur quelque chose concernant X mais plus tard. je suis en pleine forme, aucune fatigue dans aucun endroit de mon corps, l'esprit encore clair, clair depuis longtemps, c'est ce qui m'a permis de ne pas dire de bêtises et de ne pas faire mon intéréssante. là ça pouvait aller, je n'avais pas de paroles que j'aurai pu regretter, de choses horribles sur la conscience, c'est au métro république que j'ai quitté P. avec une bise et des remarques gentilles sur la journée.

Dans le métro j'ai d'abord commencé par avoir le regard dans le vide, je sentais des pensées se diluer en moi, j'avais besoin de calme et de solitude, mettre les évènements dans l'ordre, retrouver les choses, les regards, les détails qui m'auraient échappé, la voix douce de morrissey ou aigre-douce de donovan qui se déversait dans mes oreilles pendant que T. parlait, je recherchais quelque chose qui aurait dû me sauter aux yeux.
ensuite j'ai lu,
ensuite j'ai éprouvé le besoin de commencer à écrire le compte rendu dans mon carnet, j'ai noirci de bleu environ trois pages, sans rien omettre, je rédigeais, c'est rare que je fasse ça, normalement je ne marque que les grandes idées.

j'ai marché du pont de levallois jusqu'à chez moi, hier je faisais ce trajet en tenue de sport et en courant, j'étais essoufflée et mes muscles se paralysaient, il était dans les 21 heures, j'étais complètement en sueur, habillée d'un short en pilou bleu marine, d'un sweat à capuche de la même couleur et de mes new balance. à mon retour j'ai vidé à coups de gorge une cannette de pepsi max, j'ai pris une douche agréable, je me suis enroulée dans un pyjama, le plaisir d'être plus propre que les vêtements qu'on porte, puis ma robe de chambre et j'ai parlé avec ma mère du vendeur du Printemps sur lequel ma soeur a "flashé", aujourd'hui elle est allée le revoir, elle a un peu parlé avec lui, ça lui avais pris comme ça, pour rien, ou pour le ras-le-bol d'être encore seule.
ma mère en était arrivée à dire que les garçons bien étaient difficile à trouver, qu'ils voulaient tous "la même chose", je lui ai répondu que c'était faux, que j'en connaissais plein qui étaient bien, (un peu trop même) et qu'ils sont juste bien cachés, que ce ne sont pas eux qui accostent les filles dans la rue et que Baptiste était comme ça, un "garçon bien". "je l'aimais bien Baptiste, c'est dommage, c'est rare les garçons comme ça...gentil...catholique...tu penses que tu peux te remettre avec lui?", je lui ai répondu que je ne savais pas, peut-être, "c'est pas comme s'il était mort, la vie est longue", je disais ça sans trop y croire et j'étais retournée sur mon ordinateur et devant Rois et Reine sur france 3 que Baptiste m'avait lui-même fait découvrir. un peu plus tard vers les trois heures du matin j'ai rapporté la discussion à ma soeur et elle m'a dit "je l'aimais bien baptiste". elles tiennent à faire naître du regrets en moi mais ce sentiment-là m'a presque entièrement quitté.
_
mes talons claquaient sur le trottoir, et une voiture de police n'arrêtait pas de faire des tours, de passer devant moi, comme s'il y avait un couvre-feu dans cette ville de merde, comme si j'étais en route pour un trafic de drogues avec ma petite veste de minette et mes talons qui claquent, "putain mais ils sont cons...".
de façon prévisible tout le monde dormait dans la maison, je me suis déshabillée, je me suis pesée, j'avais un peu maigri avec tout ces repas ratés, j'ai pris une douche en ouvrant l'eau au minimum pour ne réveiller personne, le gel douche et le shampooing, la douche de la réconciliation, celles qui éclaircit les idées, qui éclaircit les paupières grimées de fard à paupières gris, l'eau qui glisse sur la tête. énormément de chose s'étaient passées, et il fallait tout repasser en revue à la manière d'un visionnage intempestif d'une vidéo de surveillance.
ensuite j'ai ouvert une cannette de pepsi max et je me suis mise au travail d'écriture. j'ai pensé au couple que formait X et sa copine, à sa bibliothèque et au tapis blanc qu'ils ont mis dans le salon, est-ce que P. voyait où se dirigeaient mes yeux quand je portais mes ray-ban.


New Order - leave me alone

mercredi 23 juillet 2008


à la fnac de la défense ils ont réapprovisionner leur stock de romans de bukowski, j'ai l'impression qu'ils y sont tous, ils y en a beaucoup, une grande lignée de livres de poche au nouveau design assez moche qui s'éloigne tout à fait de l'idée qu'on peut se faire d'un livre, une police dégoûtante, sûrement Arial et des illustrations piquées dans des banques d'images. La librairie de la fnac défense est très pauvre, on ne trouve rien, on ne peut pas y aller avec le projet de découvrir un nouvel auteur par un hasard programmé, non il faut savoir ce que l'on veut, si possible quelque chose de pas trop pointu.
Avant je me rendais à la fnac sans savoir par avance ce que je ramènerais, j'étais encore trop jeune pour m'aventurer plus loin que la défense et j'avais l'impression que la littérature se résumait aux rayons littérature de cette fnac, qu'il y avait devant moi quelque chose d'abouti dans lequel j'allais prendre mon temps et y extraire quelques précieux pans. Aujourd'hui j'y suis retournée par désoeuvrement, ça va faire plusieurs années qu'y réside la même femme brune un peu âgée au regard sévère de professeur de français, elle m'intimide, je n'ose même plus y passer des heures, elle doit être sympa mais avec elle le client n'est plus le roi qu'il pensait être. aujourd'hui elle conseillait une femme qui était sûrement en train de se constituer un stock pour les vacances, j'ai alors eu l'occasion d'entendre sa voix s'étirer sur de longues phrases, je retiens son "avant j'aimais beaucoup mais j'ai pas envie de la relire maintenant" à propos de Duras, et la grande pile dégoulinante de livres que la femme avait posé sur le petit tabouret d'appoint et qu'elle a soulevé avec la même application qu'on aurait pris pour porter un bébé. Contente de ses excès, elle a conclut sur quelque chose qui ressemblait à "avec ça j'ai de la lecture pour longtemps" mais qui n'était pas ça, et la libraire sévère est retourné derrière son petit guichet où son mutisme l'attendait.
J'ai toujours bien aimé tous les papiers et dossiers que les magazines consacrent aux lectures de l'été, sur internet il y a même des gens qui demandent désespérement à ce qu'on leurs prodigue des conseils de lecture, ils ne peuvent pas se débrouiller tout seuls, il ne savent pas ce qu'ils aiment, ils ont peur de réaliser à la 642eme page qu'ils se sont farcit une grosse bouse pendant tout l'été. De mon côté, je le passerai à réduire la tour de pise qui s'est formée près de mon oreiller, mon mode de fonctionnement inconscient : pour un livre lu je me félicite de ma coopération en en rachetant trois, si possible les plus volumineux, certains attendent depuis 4 ans comme le "petit déjeuner chez tiffany" que je viens de commencer; je me dis que viens toujours un moment où les besoins de l'âme concordent parfaitement avec le thème d'un vieux livre encore jamais ouvert et qu'il faut juste attendre, et tant que la lecture ne sera pas régit par des règles même pas par celles de pennac, qu'il existera autant de rapport à la lecture qu'il y a de gens sur terre et que la lecture restera ce terrain où chacun s'empare de ce qui lui semble le plus bénéfique pour lui-même dans les quantités qu'il souhaite Howard Buten continuera inlassablement de prendre la poussière sur ma table de nuit.

dimanche 20 juillet 2008

ce soir j'ai fini ma lecture d'"Un homme qui dort" de george perec, un petit livre de 140 pages qui m'a pris 3 jours, charlette l'avait acheté pendant l'année, je l'avais feuilleté pendant qu'elle et cécilia commandaient du mcdo, je trouvais ça bien, ça me faisait penser au "Je mange un oeuf" de nicolas pages, la phrase-verbe dans tous ses états, "j'achète du pain, du jambon et du dentifrice, je rentre, je me déshabille, je me lave", ça et rien d'autres sur plus de 200 pages, ce que sur la 4ème de couverture de perec ils appellent "l'expérience de l'indifférence", ce qui m'avait attiré, passant moi-même de plus en plus par des périodes d'insensibilité généralisée, mais ça ne dure pas longtemps et ça finit toujours par évoluer en dépression. Dans le livre de nicolas pages ça le faisait, malgré l'extrême facilité du procédé et la paresse qu'on peut y deviner, perec c'est autre chose, le lecteur arrive toujours à deviner l'humeur dans lequel l'écrivain éxécute un livre, chez George Perec il y a ce petit côté "Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur", quand la littérature se pare d'un L majuscule, que la lecture devient récitation d'un psaume. "l'expérience de l'indifférence", l'indifférence du roi Perec vs. les autres, la masse.

Un peu dégoutée et énervée par ma lecture de Perec, j'ai tout de suite enchaîné sur "Petit-déjeuner chez Tiffany" à la façon d'un verre de lait qui ferait passer le mauvais goût du sirop pour la toux, et là j'y ai retrouvé les joies toutes simples d'une plume salingerienne, les passages qui me font sourire, me mettent les larmes aux yeux, comme celui-ci
Je découvris en observant la coreille à rebuts devant sa porte que ses lectures habituelles consistaient en digests, dépliants de voyages et cartes astrales; qu'elle fumait une variété ésotérique de cigarettes appelée Picayunes, qu'elle se nourrissait de fromages fermiers et de toasts Melba, et que son bariolage capillaire n'était point exempt des secours de l'art. Je découvris également aux mêmes sources qu'elle recevait des lettres du front par sacs. Ces lettres étaient toujours déchirées en longueur comme pour marquer des pages. Il m'arrvait de temps à autre pour mon usage, de ramasser une de ces marques en passant. "Te souviens-tu?" ou "tu me manques" ou "il pleut" ou "je t'en prie, écris" et aussi "malheur et damnation" étaient les mots qui revenaient le plus souvent sur ces langues de papier. Ca et aussi "solitude et "amour".
"J'appris aussi qu'elle avait un chat et jouait de la guitare. Les jours où le soleil tapait dur, elle se lavait la tête, et elle et le chat, un matou, écaille et tigré, s'installaient ensemble sur l'échelle d'incendie pendant que ses cheveux séchaient au son de la guitare. Chaque fois que j'entendais la musique j'allais m'asseoir sans bruit près de ma fenêtre. Elle chantait d'une voix rauque et cassée d'adolescente qui mue. Elle connaissait tout les airs en vogue."

Juste pour revenir un peu sur Salinger,
salinger ça a toujours été ce que j'ai souhaité accomplir en écriture et aussi ce que je me sentais capable d'accomplir, les thèmes à aborder pour que ça marche : l'innocence, la réflexion anodine, les remarques anecdotiques mais lourde de sens, l'errance, la solitude juvénile, le look preppy, la nostalgie d'une vérité perdue en même temps qu'une innocence, le graffitis grossier qu'holden caulfield efface du mur de l'école de sa petite-soeur pour ne pas que les petits le lisent, et puis derrière ces trois ouvrages miraculeux un écrivain dont on ne sait rien mais dont on peut facilement imaginer un mal-être gigantesque, un refus catégorique de se baigner dans la même eau que les autres, et aussi ce refus d'être médiatisé qui confirme l'immense sincérité et pureté de salinger. A 13 ans, tout ça me grillait le cerveau, toute cette beauté c'était insoutenable.
Je compte relire Salinger, je ressens le besoin d'un retour aux sources, c'est à partir de la lecture de l'attrape-coeurs que j'ai commencé à écrire sérieusement, le premier blog ouais bon, pour le lecteur ce n'est que peu de choses mais de mon côté j'ai l'impression qu'il s'agit de revenir sur toute ma vie quand je parle de ce commencement.
Au début je plagiais gentiment salinger, disons que c'était plutôt inconscient, ce qu'on appelle de "l'intertextualité", une naïveté dans la façon de tout déballer sans trier qui m'appartenait et des "et tout" de conclusion directement empruntés à salinger, à cet âge je n'avais pas d'ambition sinon celle de recopier ce que je jugeais beau, l'innocence se plaçait là où maintenant se trouve le besoin de reconnaissance, l'envie d'avoir sa place quelque part en littérature, de survivre à quelque chose, je n'avais rien à défendre et tout à construire, aujourd'hui ma situation n'a pas tellement changé mais il faut juste se battre calmement pour ne pas se pervertir, s'user tout à fait, se souvenir de ce qui nous a façonné, sans cesse avoir en tête que la littérature et le travail d'écriture m'ont littéralement tout apporté et que rien d'autre n'a été capable de ça.

samedi 19 juillet 2008

l'inconstance de l'écriture,
viens des jours et des semaines où l'envie de commenter sa vie façon thierry rolland ne me traverse plus, ça s'est produit cette semaine, ça s'est aussi produit d'autres fois. quelque chose se dédramatise, l'urgence peut attendre, l'écriture c'est avoir des débuts de phrase dans la tête pendant toute une journée et puis les coucher sur "papier" une fois rentré chez soi.
vivre le jour, écrire secrètement la nuit comme Spider-Man sauve le monde.
Si on s'y penche un peu ces histoires de Clark Kent le jour et de Superman la nuit ça peut se révéler très intéréssant, très porteur de sens, chacun doit avoir un Clark Kent en lui, ce blog est mon "S" rouge et jaune imprimé sur le torse.

ces moments où je n'ai pas envie d'écrire, les remarques et les impressions me viennent mais ne trouvent pas mots à leurs pieds, quelque chose en moi ce calme, ce n'est plus une rage de s'exprimer mais quelques petits détails de ma vie qui me sautent aux yeux à un rythme convenable, conventionnel, il faut les partager avec quelqu'un, partageons les ici sans se préoccuper du style, de la structure ou de la chronologie, recueillons l'insignifiant et distinguons le du reste, sortons le de l'oubli. en attendant que je reprenne mon sérieux et l'écriture, choisissez votre couleur :

Hier j'ai entendu une femme qui venait d'acheter un ticket au chauffeur de bus lui dire "monsieur ça va bientôt être 2€ si ça continue, hein monsieur, ça va bientôt être 2€", j'ignore pourquoi je m'attendais à ce qu'il défende la ratp, du genre "bah c'est comme ça j'y suis pour rien moi m'dame", au lieu de ça il lui a répondu "bah ouais ça va être ça" sur le ton de "c'est regrettable et inévitable". J'ai pensé "il y a des gens, non, des professions, qui seront toujours désolidaires de leur employeurs, comme les hôtesses de caisse par exemple, on n'est pas content de travailler chez Auchan, on travaille chez Auchan comme Bgbd travaille pour une agence de pub: la contestation dans le coeur"

Mardi je me suis baladée en attendant d'aller voir "La Soledad" avec Charlette et Cécilia, sur les thermomètres de la ville de Paris s'inscrivait un chiffre variant entre 31 et 32°C, souvent les thermomètres sont mal réglés mais là j'avais envie d'y croire,
pensée pour les jours de canicule :
accueillez cette chaleur comme une chaleur purificatrice, le hammam de masse.
En attendant l'heure du rendez-vous je me suis assise pas loin de l'Hôtel de Ville à côté des "jardins éphémères", là j'ai mangé deux sandwichs triangles jambonbeurre que j'ai fait passé avec un orangina light tout en lisant le nouveau technikart numéro double, je me suis dit que j'adorais le beurre, que c'était magnifique, que tout était bien ici, à l'ombre. "des instants coupés de tous les autres".


je n'assume toujours pas les lunettes de soleil dans la rue, j'ai toujours l'impression de me la péter quand je les porte, en attendant, je plisse les yeux.

Jeudi je me suis rendue compte que les magasins de meubles me dégoutaient au plus au point, peut-être est-ce à cause de l'influence de tout cet état d'esprit Trainspotting/Fight Club qui vous apprend à ne pas trop vous attachez à vos acquis matériels, "Choose Life. Choose a job. Choose a career. Choose a family..." vous connaissez la chanson, je vous ai vu mettre pause pendant le film pour noter toute la réplique d'ewan mcgregor/edward norton (au choix).
Ce qui me dégoûte encore plus ce sont ses couples au premier abord plutôt sympathiques qui y entrent main dans la main, on sent que ce n'est pas la première fois qu'ils franchissent le seuil de ce genre de boutiques et comme le client qui vient chercher ses lunettes chez l'opticien, ils y entrent pour régler quelques détails de livraison, confirmer des hésitations.


Plusieurs choses font que j'ai sérieusement envie d'apprendre le russe, d'abord pour l'Adolescent de Dostoievski et puis cette représentation fanstamée qu'on peut se faire d'un pays, comme des flashs de films bollywoodiens. J'ai vu un petit livre à 6 euros avec l'essentiel pour apprendre la langue, je suis de ceux qui aiment penser qu'on peut tout apprendre dans les livres parce que ça les rassurent de penser ça, ça peut justifier certains de nos comportements, de nos choix de vie.

lu et entendu

"l'aura du suicide, le prestige accordé à la folie"
"analyser sincèrement ce qu'il éprouve dans les grandes circonstances de la vie"
"petite créature d'arrêt d'autobus"
"la honte de souffrir d'aimer"
"on est heureux parfois d'avoir été heureux"
"l'agonie de la compréhension"

"le terrible sel des humains"
"celui qui danse, vit au moins"
"il me hait en rouge, il me hait en mauve, peut-être me hait-il tout court"
"illumination gourmande de nos villes"
"Ainsi donc le poète dans sa promenade professionnelle[...]"
"On torréfie du café par là, le toit d'en face est rouge, un jet de vapeur siffle. Oscar est tout à fait accaparé. Réduit, stérilisé, il s'agite sur une chaise de fer. Un éblouissement confond le ciel et la rue. Derrière une grille de lumière, on voit sur les murs bleus des nuages affichés."
"je suppose qu'il s'agit de sauver quelques jeunes hommes du suicide et quelques autres de l'entrée aux flics ou aux pompiers. Je pense à ceux qui se suicident par dégoût, parce qu'ils trouvent que "les autres" ont trop de part en eux-mêmes."
"conception de l'amour en 1928"
"Du fait de ma condition sociale, parce que je suis occupé à gagner ma vie pendant pratiquement 12 heures par jour, je ne pourrais écrire bien autre chose : je dispose d'environ vingt minutes le soir, avant d'être envahi par le sommeil."
"Pendant des années, alors que je disposais de tout mon temps, je me suis posé les questions les plus difficiles, j'ai inventé toutes les raisons de ne pas écrire."
"Arrivé sur la place de la Concorde, ma pensée était de me détruire"
"Je ne peux m'expliquer rien au monde que d'une seule façon : par le désespoir. Dans ce monde que je ne comprends pas, dont je ne peux rien admettre, où je ne peux rien désirer (nous sommes trop loin de compte) ; je suis obligé par surcroît à une certaine tenue, à peu près n'importe laquelle, mais une tenue. Mais alors si je suppose à tout le monde le même handicap, la tenue incompréhensible de tout ce monde s'explique : par le hasard des poses où vous force le désespoir."
"De jour en jour la somme de ce que je n'ai pas encore dit grossit, fait boule de neige, porte ombrage à la signification pour autrui de la moindre parole que j'essaye alors de dire."
"elle se lave souvent les cheveux parce qu'elle sort souvent"
"maintenant tu travailles, tu connais la valeur de l'argent"
"je n'avais jamais pris le train, je ne savais pas q'uon pouvait dormir pendant qu'il roule"

écrit dans mon carnet
"il y a un moment dans la journée où l'espoir m'habite encore, c'est le matin, devant le café"
"ces moments d'extraordinaire liberté entre deux livres, l'un lu, l'autre à lire, où toute la littérature du monde semble ouverte devant nous et où il ne nous reste plus qu'à faire le bon choix."
"les magasins de déco/meuble me dégoûtent""
"pour ne pas prendre le risque de lire ce qu'on se sentait capable d'écrire : ne pas lire, ne rien lire et écrire sans influence."
"et puis délicieusement prisonnier d'une lecture qui est bien mais qui éclipse les 100.000 autres
"


Emile a dit "- D'où elles viennent les crottes de yeux?...du marchand de sable"
Mon père a dit à Emile "arrête de manger des sushis, t'as vu comment ils sont tes yeux maintenant"

aujourd'hui sans faire exprès j'ai buté l'icône de la sainte vierge qui est dans la chambre de mon frère avec un ballon de foot, Emile a crié

dimanche 13 juillet 2008

"-Mon ami, nous ne voulons faire de mal à personne. Vivre avec des amis, des parents, des élus de son coeur, c'est un paradis."

vers 17 heures j'ai enfin réussi à mettre un pied et même mon corps entier dehors et à me rendre au jeu de paume, je voulais voir les nouvelle expositions. le musée n'est pas trop loin et en sortant j'aime bien prolonger la marche jusqu'à la comédie française en passant par le jardin des tuileries alors que par exemple la promenade aux alentours du palais de tokyo ou du musée d'art moderne me lasse trop vite et je finis sous la tour eiffel ou vers le théâtre de chaillot à ne savoir que faire de mes deux pieds. la dernière fois que je suis allée au jeu de paume c'était un samedi et il n'y avait personne, aujourd'hui j'ignore pourquoi la queue était tellement longue qu'elle se finissait dehors, alors j'y ai renoncé et j'ai préféré me promener. La promenade a au moins le mérite d'être une occupation neutre, à la portée de tous et qui certaines fois s'avère être plus utile que n'importe quelle autre activité, parce qu'on a pensé plus loin que toute les autres fois, qu'on a pu voir de belles choses autour de nous, des familles émouvantes, des solitudes semblables aux nôtres, des magasins rigolos, des odeurs intéressantes. certaines errances m'ont réconcilié avec les hommes et l'extérieur, je ne sais plus quel film ou quel livre (réflexion) si je m'en souviens, "Paris nous appartient", un film incompréhensible en dehors de deux trois scènes bouleversantes : un couple d'ami qui se retrouve et improvise un déjeuner avec une baguette et une tablette de chocolat, j'en avais pleuré et puis une scène (celle qui nous intéresse) de monologue où l'un des personnages explique que dans la vie il faut "circuler" sinon on devient fou. j'ai toujours aimé les leçons de vie qu'on pouvait croiser au détour d'un film ou d'une lecture. "Circuler", c'est bien le mot, je crois que depuis ce film j'ai toujours fait mon possible pour me traîner hors de chez moi, rester toute une journée dans mon appartement étant trop nuisible, mon squelette se ramollit, mon visage se transforme et pâlit, je finis par ressembler à une dingue.
je me connais et je sais qu'il faut que je garde chaque jour un contact, le plus ténu soit-il, avec l'extérieur. je pense pouvoir parler au nom de tous en disant qu'on oublie beaucoup trop vite la sensation réconfortante de se sentir en compagnie et qu'il faut sans cesse se la rappeler, au moins une fois par jour, et si on ne peut pas solliciter la présence de quelqu'un, d'un ami et bien on fait avec les gens autour de nous, on les regarde pour se rappeler le goût que ces choses ont et le luxe que c'est de pouvoir être constamment entouré de personnes qu'on aime, on met sa vie de côté, on ne vit plus qu'en observateur bienveillant, le regard nostalgique; c'est ce qui se passe chez moi quand je me promène. j'ai l'impression que les moments de sociabilisation et d'effervescence que j'ai pu vivre sont tellement loin de moi qu'à force de s'éloigner ils deviennent comme inexistants alors que mes promenades, mes "rêveries de promeneuse solitaire", je me les rappelle toutes en détails, mes vêtements, certains visages croisés, l'humeur du ciel, certains objets dans des vitrines: des robes prada, beaucoup de chaussures de luxe pour hommes en passant par les tarifs d'un coiffeur.
vous allez me dire, "mais tu as des amies, tu les vois souvent", mais il suffit justement d'une seule journée pour perdre le réconfort et la douceur de l'oubli que provoque chez moi un simple restaurant avec mes amies. Puis j'ai fait défilé beaucoup de monde dans ma tête pour comprendre que je n'avais envie de voir qu'une seule personne, la personne interdite, qui est -et je n'en parle que maintenant- la source de toute ma mélancolie, de tous ces après-midi où j'hésite à m'effondrer sur mon lit et à me rendormir de tristesse jusqu'au soir, jusqu'au moment où toutes les villes s'endorment et où je n'ai plus la pression de millions de vies en activité autour de moi. je respire et j'accomplis les choses à mon rythme en espérant que lui soit touché par une foudroyante insomnie. Si vous voulez savoir, il n'a plus donné de nouvelles et j'ai l'espoir de ne le revoir qu'à partir de septembre; d'ici-là je risque de beaucoup me promener.

Justement cet après-midi en me promenant je marchais sur les traces de ma première rencontre avec A., nous étions allés regarder les tableaux au musée de l'orangerie, il m'avait montré les fresques de monet, puis nous nous étions arrêtés à un café tout moche à la décoration minimaliste made in ikea se situant un peu plus loin après le concept-store (la blague) colette, un tout petit peu avant le american apparel, je suis repassée par là, et j'ai pris ça pour un signe mais il n'y avait plus aucune table dehors et sur la vitre un panneau avec marqué "A vendre". je me suis demandé depuis quand les cafés fermaient et surtout pourquoi celui-là.

The Turtles - You showed me

samedi 12 juillet 2008

Jeudi je suis allée voir "The Savage Eye" au mk2 beaubourg, à la caisse j'ai dit à la meuf "une place pour l'Oeil Sauvage s'il vous plait", sur le site le titre était en français, une fois sur place aucune trace d'oeil sauvage mais le titre français m'arrangeait, je déteste mon anglais quand il s'agit de cracher trois mots, la langue n'a pas le temps de prendre ses habitudes, l'accent est alors terrible. la nana m'a gentiment corrigée, "the savage eye?".
Je comprends pas pourquoi certains distributeurs s'obstinent à ne pas traduire des titres de films qui ne perdent rien de leur sens une fois traduits, c'est le cas de "A swedish love story", je le pensais secrètement sans rien en dire à personne jusqu'au jour où un chroniqueur du masque et la plume s'en est lui aussi plaint, disant que c'était "vraiment ridicule". A ce niveau on sent un manque de réflexion et d'intelligence, une méprise de la part des personnes chargées de faire ce choix, surtout quand on sait qu'il s'agit d'un film exhumé des années 60 par le distributeur lui-même, de ces lingots dont les recoins éclatants surgissent de terre et qu'on dépoussière du bout des doigts pour les déposer soigneusement devant les yeux du public. Edward Hopper a dit de ce film : "Si vous voulez connaître l'Amérique, allez voir The Savage Eye", c'est écrit sur l'affiche, on ne pouvait pas trouver mieux comme publicité même si je n'ai vu cette phrase qu'après la projection, en regardant des photos du film sur allociné comme j'aime bien le faire. C'est vrai que sur plein de points ce film s'apparenterait à des peintures d'edward hopper portées à l'écran, cela a en tout cas provoqué en moi le même apaisement qui se produit à la vue de l'un de ses tableaux, ces solitudes prises sur le vif et que seul l'artiste arrivent à surprendre, à piéger, comme s'il fallait faire preuve d'une clarté d'esprit, d'une lucidité torturante (cet oeil sauvage) pour pouvoir percevoir les formes de solitude les mieux cachées, de la vendeuse du Printemps qui fume sa cigarette dehors, frigorifiée et pensive en passant par le batteur d'un groupe reclus au fond de la scène.
J'ai toujours aimé les romans, les tableaux, les chansons et les films qui voulaient et arrivaient à véhiculer précisément ce message : "nous sommes seuls". Nous sommes seuls, nous vieillissons, nous passons à côté de quelque chose mais ce n'est pas de notre faute, c'est à cause de notre société. c'est à peu de choses près le propos du film même s'il n'y a pas que ça, c'est aussi les leitmotivs de l'écriture de houellebecq et c'est pour cette raison que j'aime autant cet écrivain, presque trop, et que je lui ai toujours accordé plus des 3/4 de mon coeur littéraire.
De ces films et de cette littérature qui nous assaillent avec pour seuls outils notre propre solitude et le gâchis maladif de toute une époque pourtant en paix, il faut justement que la magie opère sous la forme d'une prise de conscience qui est toujours la même mais nous fait toujours l'effet d'une révélation bouleversante - d'une première fois, il faut qu'en jaillisse la beauté, plus exactement une "émouvante antibeauté" pour reprendre coupland. C'est pour cela que le club med, les boîtes de nuits et les supermarchés, de par leur extrême contraste avec les nobles sentiments que sont la solitude et la tristesse, le manque et le besoin de présence humaine, se retrouvent être les nouveaux terrains d'épanouissement de la poésie à défaut d'être ceux de notre propre épanouissement.
La solitude américaine -s'il y en a une- est certainement l'une des plus belles car l'une des plus injustifiées et donc des plus intenses, comment et pourquoi être malheureux là où les valeurs (l'hédonisme, l'abondance, la religion) érigées en preuves de bonheur satisfait sont multipliés par 100 et à portée de tout un chacun ?
Ce film c'est un peu ça, le refus d'une duperie qui se solde d'une souffrance constante et assumée. Cette femme divorcée qui erre dans los angeles et dialogue avec son double masculin et rassurant c'était moi. j'ai toujours tendance à croire que la solitude est un fardeau anormal et honteux à portée, comme une maladie, et qu'il faut la vivre si possible sur la pointe des pieds, n'embêter personne avec, elle demeure notre seule "compagnie".

jeudi 10 juillet 2008

Hier nous sommes allés vendre des livres chez gibert avec charlette, cécilia et la copine de charlette, tatiana. On a pris le métro jusqu'à saint-michel, j'avais un sac en kraft citadium avec une dizaine de livres jamais lus, jamais ouverts ou alors des trucs appartenant à ma soeur et qui étaient rangés chez moi.
On a une bibliothèque blanche dans notre chambre, l'étage tout en bas est consacré à mes affaires d'école, le second héberge celles de ma soeur, des classeurs gigantesques, des pochettes à rabas obèses, le troisième ce sont les livres de ma soeur, presque aucun roman en dehors de ceux de samuel benchetrit, un recueil de pièces de shakespeare, un livre de woody allen, d'anciens romans achetés pour le lycée, (je dis tout ça de tête) le reste : des pavés sur le droit international, des "Que sais-je?", des annales, plein de livres aux couleurs dépareillées comme savent si bien les faire les éditeurs d'annales et de révisions en tout genre. Les deux derniers étages sont consacrés à mes livres, tous d'une taille régulière et aux tranches blanches, en dehors des gros beige gallimard nrf ou des éditions de minuit, grasset, denoël, ils sont assez bien rangés, j'ai fait en sorte que les livres d'un même auteur soient tous regroupés les uns à côté des autres. Il n'y a bientôt plus de place et des piles horizontales commencent à se former sur les verticales, c'est plutôt joli, ça donne un genre de bibliothèque pleine à craquer, ce qui me plait bien mais qui insupporte ma mère, deux fois dans sa vie ça lui ait arrivé de me dire "faut que t'arrêtes de lire, on doit en jeter là", dans ces cas-là je pète un câble et je commence à l'engueuler, je déteste quand elle fait passer l'ordre avant tout le reste, avant les passions, le plaisir, les centres d'intérêt, et cette femme est comme ça, quand elle est comme ça je ne peux pas m'empêcher de la mépriser.
Quelques uns de mes livres sont dans une vitrine dans le couloir, ceux qui ne rentrent tout simplement pas dans celle de ma chambre, ce qu'on appelle les beaux livres et puis aussi quelques bandes dessinées.
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La queue chez gibert s'étendait jusqu'à l'arrêt du bus, certains portaient des sacs de livres, d'autres des valises entières, ça allait prendre des jours avant qu'on passe. J'ai dit aux copines "on a qu'à aller à celui du boulevard saint-denis", charlette a dit "ouais mais si y'a la même queue on la fait là-bas", j'étais d'accord, on y ait allé, résultat : deux personnes devant nous. On pensait avec tendresse et compassion à ceux qui étaient encore en train de faire la queue à saint michel.
Le mec était sympa, même plutôt beau gosse, il portait des lunettes de vue pilote. Chacune d'entre nous avait rédigé une autorisation qui disait "Je soussignée Madame....accepte que ma fille....vende ses livres personnels chez Gibert. Date + Signature"
Il a scanné mes livres, m'en a rendu un peu moins de la moitié et m'a dit que ça faisait 4,66€, je l'ai regardé en souriant, "oui c'est pas beaucoup mais on les prend au prix le plus bas", j'ai répondu "oh si ça va, je pourrais m'acheter des bonbons". Il a rigolé, mes copines aussi, j'étais fière de moi, il devait être amoureux, hihi

cécilia a récolté 2,50€ je crois, j'ai fait "ça te rembourse le trajet", charlette à peu près comme moi et quand ça a été le tour de tatiana j'avais pronostiqué "7 ou 9 euros", charlette et cécilia montaient jusqu'à 13, ça a été 7€, j'avais gagné, on est allés retirer l'argent à la caisse et on est ressorti en fourrant les pièces dans nos portes monnaie.
Après ça Tatiana et Charlette devaient aller à disneyland retirer un billet, Cécilia n'avait pas envie de rentrer et m'a proposé de retourner à saint-michel acheter des livres, la queue était toujours aussi longue. nous sommes d'abord allés chez boulinier, il y avait plein de livres à 1,50€ au sous-sol, j'ai dit à cécilia que ça sentait l'église, elle m'a répondu "je sais pas" et j'ai rétorqué "quand tu sais plus ce que sens une église c'est que c'est mauvais signe", je voulais dire par là que ça devait faire longtemps qu'elle n'y était pas allée.
Au sous-sol donc c'était le silence total et on n'entendait que le bruit régulier des livres qui tapait le fond des gros bacs en bois dans lesquelles ils étaient disposés un peu n'importe comment. En cherchant un peu j'ai réussi à trouver deux romans en format nrf que j'avais prévu d'acheter en poche : "la tache" de philip roth et "ingrid caven" de jean-jacques schul, il y avait aussi "rendez-vous" d'angot à 2,50€ j'ai hésité à le prendre et à l'offrir à quelqu'un, j'avais en tête une fille qui voulait le lire, disons une amie, puis je l'ai reposé parce qu'il fallait que je le lui envoie par la poste et ça allait coûter plus cher que le prix du livre lui-même. J'ai payé en tout 3€, j'étais vraiment contente, ensuite nous sommes allées chez gibert, on est passé devant un congélateur de glace, Cécilia et moi avons eu le même réflexe de nous demander mutuellement "TU VEUX UNE GLACE?" moi j'en voulais bien une, ça faisait depuis midi que je ne m'étais pas alimentée mais j'ai dit "non ça va".

Cécilia nous a pété un câble chez gibert en voyant les piles de livres entourés d'un bandeau rouge "BAC 2009", au programme : "les liaisons dangereuses", les "pensées" de Blaise Pascal, "Roméo et Juliette" puis toujours "le guépard". Ce qui lui posait problème c'était surtout le premier et le deuxième, j'essayais de la raisonner "mais t'aimes bien les pensées, toi-même tu me disais que parfois t'en lisais une au hasard", "les liaisons dangereuses c'est coul sérieux".
Charlette adore "les liaisons dangereuses", elle l'avait lu cette année, maintenant on pouvait difficilement s'empêcher de l'associer au roman. dans le métro je lui ai d'ailleurs envoyer un sms pour lui annoncer la bonne nouvelle.

Elle a acheté "W ou le souvenir d'enfance" en occasion, moi "a l'ombre des jeunes filles en fleur", "Un homme qui dort" de georges perec et "le parti pris des choses" de francis ponge, j'en ai un pour 19 euros et quelques, c'est cher pour trois livres mais j'ai pensé que je payais pour les 3€ de tout à l'heure, c'était trop beau. Cécilia faisait toujours la gueule, le métro était bondé et nous ne sommes pas montés par la même ouverture, de loin je la regardais froncer les sourcils, tête baissée, quand on a pu se rejoindre, par deux fois je lui ai dit "allez n'y pense pas, t'es en vacances, tu t'en fous", je ne la comprenais pas, à force on devrait avoir l'habitude de ne pas faire ce qu'on veut en cours, une année de plus ou de moins à travailler sur des romans qu'on aimait pas, qu'est-ce que ça changeait. Elle sortait les grands mots "je savais que j'aurai pas dû faire L", des choses comme ça, elle faisait son petit caca boudin. Je la soupçonne d'être plus intéréssée par le lycée qu'elle ne le prétend, j'ai compris ça au conseil de classe, il n'y avait qu'à voir ses notes pour le comprendre, cette petite folle est première de la classe.
Après ça allait mieux, son visage se décrispait lentement et elle m'a dit de regarder les ongles gigantesques d'une meuf qui tenait la barre en aluminium, on essayait de se mettre d'accord sur un restaurant pour vendredi.

mercredi 9 juillet 2008



Je tiens une canette de Coca Light, je suis sur le point de l'acheter. ma main tremble indépendamment du reste du corps, je dis à Charlette "trop bizarre ma main tremble", elle dit "ouais c'est bizarre", la femme qui paye devant nous me dit sans me regarder "c'est à cause de la fatigue" je lui dis "ah, je sais pas", toujours sans me regarder et en tendant un billet de 50 euros "mais si c'est à cause de la fatigue, de la tension faible", elle me dit ça exactement comme si ça avait été ma mère, une exaspération qui dissimulait une bienveillance évidente.

Je me suis souvenue de cette nuit d'un autre temps où mon corps entier tremblait sans raison précise, ni à cause du froid, ni à cause d'une maladie, juste le corps qui vibre entièrement, inconsciemment, et on essaye de prendre le dessus mais on vibre encore, on s'endort comme ça.

"C'est vrai que j'ai dormi que 5h, de 5h à 11h...6h quoi" "ah bah voilà" me dit Charlette, puis on discute de la couleur de paille qui irait le plus avec sa canette de Minute Maid, moi je penche pour la verte, elle pour la jaune "mais nan y'a pas de jaune c'est du orange", Cécilia fera la différence, ce sera la jaune.
et on part s'asseoir à une table, on emporte des bouts de cake choppés dans des paniers avec écrit "Servez-vous".

un peu plus tôt, à 15h30 heures en fait, j'avais donné rendez-vous aux filles pour qu'on aille rendre nos manuels scolaires au lycée et puis il fallait aussi que je fasse tamponner les papiers pour la carte Imagine-R, ma mère me faisait chier avec ça depuis une semaine, et quand je lui demandais de prendre rendez-vous chez l'opticien et que ça faisait bien un mois que je le lui demandais elle me répondait "et moi quand je te demande pour la carte Imagine-R...".
J'ai ressenti une forme de joie en sortant du lycée, la sensation d'avoir accompli quelque chose d'utile et de concret.
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Cécilia me racontait que Marie n'avait pas pu partir dimanche en Italie parce qu'elle n'avait pas l'autorisation de quitter le territoire, ce qui faisait qu'elle était toujours ici, peut-être au cinéma.
Le temps était doux en dehors de ce grand vent froid qui expliquait mon pashmina bleu marine autour du cou. Je regardais plus que d'habitude les tenues des gens pour voir ce qu'on pouvait bien porter par ce temps indécis. J'ai vu des débardeurs, des gilets et des vestes.
quand j'étais plus petite ma mère me reprochait toujours de ne pas assez m'habiller en hiver et de trop m'habiller en été, moi je ne pensais qu'à une chose : porter mes beaux habits, tant pis s'il fallait avoir froid toute la journée. et puis vous savez comment c'est, l'esprit d'aventure s'estompe avec le temps et je suis devenue douillette comme une vieille personne, je crains n'importe quoi, la chaleur comme le froid, je commente la météo à haute voix, et l'eczéma et les soudaines pertes de cheveux, et la sale vue, les acouphènes, pas un jour où en plein milieu de la rue je me sens fatiguée, bref je suis presque morte, et cette fatigue et cette faiblesse perpétuelles me complexent par moment, m'empêchent peut-être d'accomplir de grande chose, de grandes études, je ne tiens pas longtemps en mode "révisions", je me cherche de la fatigue pour m'arrêter. Je suis un chewing-gum usé vieux rose.
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Cécilia pensait que Marie devait être au cinéma, sur son portable ça tombait directement sur le répondeur et aucune d'entre nous n'avait envie de rentrer chez elle. Nous sommes allées au "Moule à gateaux", c'est encore au Dôme, c'était notre première fois. Charlette voulait s'asseoir et moi j'avais soif. Les gâteaux dans la vitrine étaient brillants et gonflés, tous réguliers, les uns derrière les autres, comme de délicieux clônes. On faisait la queue pour des canettes et puis vous connaissez la suite, la main qui tremble, "mais si c'est la fatigue", "j'ai dormi 5h", "ah bah voilà".

Je me souviens leurs avoir parler de ce message lu sur internet et qui disait :
"Salut Murielle (qui s'exprime ici sous le pseudo de Vernis), on était en classe ensemble l'année dernière, je ne t'aime pas vraiment (tu vois qui je suis...), je trouve que tu te la pètes, et je ne suis pas le seul (alors tu ne vois peut-être plus qui je suis). Je suis allé voir ton blog (moi aussi j'écris, mais je n'en fais pas tout un plat, j'apprends, je prends mon temps), et pour moi tu es la Cindy Sanders des lettres françaises. S'il te plaît ma jolie (figure de style...), arrête d'écrire. "

Je l'avais trouvé extrêmement puérile, lâche et surtout très faux, "la Cindy Sanders des lettres françaises" ça ne voulait rien dire, ou si ça voulait dire quelque chose c'était peut-être que mon écriture est clinquante et creuse. Bref j'aurai préféré quelque chose de plus juste, des termes plus réfléchis, au lieu de ces reproches aveuglés par -je pense- la jalousie, et surtout la question qui se posait était : qui pouvait bien être à l'origine de cette merde?
J'ai dit à mes copines que je ne supportais pas la haine et les reproches, et un peu excessivement, que ça me traumatisait. Je me souviens d'une note de mon blog Ouais Bon, celui qui était rose, qui avait fait le tour de la classe parce qu'une fille qui trouvait l'article juste l'avait copié/collé sur son Skyblog. Ca parlait des filles de ma classe, de leurs styles, de leurs codes et de ce que j'en pensais. C'était un peu dur mais inoffensif. Charlette m'a justement dit qu'elle l'avait relu il y a quelques semaines et qu'elle trouvait que je n'écrivais plus du tout de la même façon, qu'avant je jugeais beaucoup, et j'ai dit que c'était vrai.
Je juge beaucoup mais dans mon coin, parce que moi aussi je suis lâche et que je ne vaux rien en confrontation, et puis je ne fais qu'observer et puis parfois mes observations se muent en jugement. On pensait toutes à une fille de ma classe de seconde qui aurait pu être à l'origine de ce message, on ne voyait qu'elle alors qu'elle était plutôt sympa avec moi, qu'elle ne m'a jamais fait aucun reproche, rien du tout, à part en début d'année, Cécilia m'a dit que dans les vestiaires elle avait parlé de moi, qu'elle avait dit comme quoi "j'étais moche" (fou rire au moment de l'écriture). Les autres semblaient tellement connes à nos yeux qu'on ne les imaginait pas écrire ça et puis le message était écrit au masculin mais ce n'est que la preuve d'une immense lâcheté.
Tout ça pour dire que j'ai conscience que je peux être parfois un peu tête à claques ou prétentieuse et que de la haine puisse naître dans la tête de certains lecteurs parce que, trop d'épanchements, de nombrilisme, trop de "je" et qu'à force cela peut coller aux doigts (le vieux chewing-gum rose), devenir envahissant et indigeste, l'aspect sobre de mon blog n'est là que pour contrebalancer ça. Mais rien de tout ça n'est vraiment important même si ça nous a bien fait passé 10 minutes et ayant calculé l'heure à laquelle Marie sortait de sa séance je l'ai appelée et lui ai dit de nous rejoindre, qu'on était au Moule à gâteaux.
On avait vu juste, elle était allée voir "Bons baisers de Bruges", d'ailleurs tout le monde ici l'avait vu sans qu'on se concerte où quoi que ce soit. C'était marrant, moi je l'avais vu hier à 22h, j'avais détesté mais ça m'avait changé les pensées, j'étais vraiment abattue à cause de vous savez quoi.
je vous raconte un peu ce qui s'était passé de rigolo dans le bus : le chauffeur avait mis de la musique, "In the deathcar" d'Iggy pop et Goran Bregovic et une passagère était venue le voir et lui avait dit "vous écoutez Goran Bregovic? mais c'est très biien, c'est tellement rare, ah mais Bregovic il faut le voir sur scène hein" et lui il avait dit qu'il aimait surtout Kusturica. Ce chauffeur parlait à tout le monde, il était 22h, presque personne dans le bus, une pression de moins, les rues semi-désertes, il roulait à toute allure, le bus c'était son palais c'était fluide. Quand la dame est partie il a enchaîné sur du rap français et commençait a chanté, je me suis dit "si elle avait été là..."

mardi 8 juillet 2008

A. est venu ici, je ne sais pas ce qui l'a poussé à faire ça, précisément hier, précisément le jour où un tas d'articles le concernant s'enchaînent les uns à la suite des autres, il aurait pu venir un jour où je parlais de mes copines et de mes cheveux, c'est très étrange, je ne lui avais pas dit un mot depuis la conversation au téléphone.
Hier on en a légèrement discuté sur les coups de 3 heures du matin, il me disait amicalement "vilaine", et puis il ne m'a pas parlé du contenu, il m'a juste dit qu'il aurait préféré que je ne mentionne pas son vrai prénom, il ne retenait que ça. Je m'étais pourtant dit qu'un prénom c'était finalement assez quelconque mais il a voulu que je l'enlève, que je mette autre chose mais je n'arrive pas à mentir même pour des choses pareilles alors maintenant je mets A., si je mets un autre prénom à la place alors je n'aurai tout simplement pas l'impression de parler de lui, voilà pourquoi je ne parle que de ce que je perçois comme la réalité, parce que je suis incapable d'inventer, pour moi inventer équivaudrait à mentir, inventer l'histoire d'un amour c'est parler de quelque chose de faux qui ne s'est pas passé, qui ne peut rien dire à personne, où la beauté l'emportera forcément sur la vérité et l'insignifiant et je tiens à cet insignifiant sinon ça sonne faux et alors ça devient une pub EDF, en tout cas dans ma bouche, certains écrivains savent y faire, bien sûr.
Et puis comme je vous le disais, écrire pour moi a pour but premier de me permettre de me justifier, de régler le problème de l'irréversibilité des actes en y soumettant mon commentaire, je pourrais facilement écrire en exergue de mon blog "faute avouée à moitié pardonnée" ou quelque chose dans cette veine-là.

J'ai cru comprendre qu'A. tenait à ce qu'on en parle de vive voix, l'un en face de l'autre, je lui ai dit que pour les choses comme ça j'étais timide. Parler de ses sentiments en direct c'est tellement périlleux et ça entraîne forcément par la suite un esprit d'escalier. Je ne suis pas quelqu'un de sincère dans la vraie vie, je ne tiens pas à ce que les choses soient claires et mes comportements sont soit équivoques soit tout l'inverse de ce que je peux ressentir mais je lui ai répondu que je ne pouvais pas le lui refuser, et alors j'accepterai le bras de fer même si je n'ai rien à lui dire de particulier, si ce rendez-vous n'a pas pour but de le convaincre alors ça ne sert à rien parce que sinon le ridicule est inévitable, mais s'il faut en passer par là pour le revoir.

Au mieux il doit se sentir mollement flatté par tout cet amour jeune et nouveau qu'il se reçoit par hasard en plein visage, je le lui ai dit "ça fait mille ans qu'il est sous tes yeux" parce qu'il me disait "j'ai découvert ton blog", quand il m'a écrit ça j'avais l'impression d'avoir enfin droit à une sorte de seconde chance et les choses s'étaient déroulées en accord avec mes souhaits, je voulais qu'il lise mon blog et par désoeuvrement ou curiosité et peut-être par ce genre de télépathie qu'il peut y avoir entre les personnes, il est venu à moi, à mon univers blanc et noir, sobre mais essentiel.
Je n'ai rien relu de toutes ces passages qui le concernent car la tentation d'enlever les choses déplaisantes serait trop forte, si pour une fois dans ma vie une personne peut savoir ce que je pense réellement d'elle alors je lui tend volontiers tout ceci tout en m'en détournant parce que je n'assume pas.